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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

d’Averroès, l’affirmation de l’existence de moteurs immobiles aussi nombreux que les orbes célestes. C’est parmi ces lecteurs qu’il faut placer Hervé de Nédellec.

Hervé de Nédellec (Hervæus Natalis, Hervæus Brito) était originaire du diocèse de Tréguier. Le 14 septembre 1309, il était déjà dominicain à Morlaix ; le 10 juin 1318, le chapitre de l’ordre des Frères Prêcheurs, réuni à Lyon, le nommait maître général ; il mourut à Narbonne le 7 ou le 8 août 1323. Il fut donc, à fort peu près, contemporain de Pierre Auriol.

Hervé de Nédellec à laissé divers ouvrages, parmi lesquels se trouvent des Commentaires aux quatre livres des Sentences. En ces commentaires, le dominicain armoricain s’attache, la plupart du temps, aux solutions que recommande l’autorité de Saint Thomas d’Aquin. Toutefois, au sujet des moteurs célestes, il n’hésite pas à montrer que la vraie doctrine d’Aristote n’est aucunement celle qu’enseigne le Doctor communis.

« Sachez, écrit-il[1], que l’opinion d’Aristote et de ceux qui l’ont suivi parait avoir été celle-ci ; Chacun des moteurs des corps célestes, moteurs qu’ils nomment intelligences, est, à lui-même, l’objet de son propre vouloir et de sa propre connaissance, selon ce que nous admettons pour Dieu.

» En effet, lorsque Aristote, au XIIe livre de la Métaphysique, montre que le premier Moteur est acte pur, qu’il est à lui même l’objet de sa propre connaissance, qu’il est sa vie, il n’entend pas parler de ce Moteur absolument premier quo nous nommons Dieu et qui est unique ; sous le nom de premier Moteur, il entend le genre tout, entier des moteurs séparés.

» Voici qui le montre clairement. De ce que le premier Moteur meut d’un mouvement perpétuel, il lui attribue la propriété de n être jamais en puissance et d’être acte pur ; puis, aussitôt après qu’il a prouvé ces conséquences, il s’enquiert du nombre de ces substances dont il a dit qu’elles étaient des actes purs ; donc, après le traité du ntotcur, après avoir dit que ce moteur était acte pur, il ajoute immédiatement : Mais quel est le nombre des moteurs de cette sorte ? Et il conclut ensuite que leur nombre est le même que celui des mouvements perpétuels.

  1. Hervei Natalis Britonis. Doctoris Theologi Parisiensis, Præstantissimi, et Sublimissimi ac quondam Ordinis Fratrum Prædicatorum. Generalis Magistri, In quatuor Libros Sententiarum Commentaria. Quibus adiectus est eiusdem auctoris Tractatus de potestate Papœ. Parisiis, Apud viduam Dyonisii Moreau et Dyonisium Moreau, filium, via Iacobæa sub signo Salamandræ Argenteæ, MDCXLVII Cum privilegio Regis. Lib. II, Dist. XIV, quæst. I, art. III ; p. 244, p. b.