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L’ÉCLECTISME PARISIEN

la cause finale ne ment pas immédiatement ; elle est seulement ce en vue de quoi le mouvement se fait.

» Mais Aristote dit, en ce XIIe livre de la Métaphysique, que le le Commentateur ajoute, à cc propos, que le premier être meut a titre de premier objet aimé, tandis que le premier ciel est mû par lui comme l’être qui désire est mû par l’objet désiré, comme l’objet qui aime est mû par l’objet aimé. Mais, si l’on en retranche le moteur, le ciel ne saurait plus désirer et aimer, car aimer et désirer sont choses qui appartiennent à l’intelligence ; il y a donc, dans le ciel, un autre moteur par lequel il aime et désire…

» Le mouvement du premier ciel provient donc de deux moteurs ; l’un de ces moteurs est l’âme qui existe dans le ciel, c’est-à-dire le moteur approprié ; par ce moteur-là, le ciel est mû avec une vitesse déterminée. L’autre est un Moteur dont la puissance motrice est infinie ; il ne réside pas en la matière ; c’est de lui que provient la perpétuité du mouvement…

» Ainsi donc, outre le premier Moteur, il faut qu’il existe un moteur propre par l’intermédiaire duquel le premier Moteur meut le premier mobile…

» Le Commentateur veut… qu’outre les moteurs propres des orbes célestes, il existe un commun Moteur en vue duquel est la perpétuité du mouvement céleste (præter proprios motores orbium cælestium est communis motor propter quod est perpetuitas motus cæli) »…

Qu’aprcs Saint Thomas d’Aquin et Pierre Auriol, Jean de Jandun et Walter Burley se soient accordés pour attribuer à Aristote et à Averroès une opinion si manifestement contredite par certains textes de ces philosophes, cela est bien fait pour nous surprendre ; notre étonnement est d’autant plus légitime qu’il s’était trouvé des maîtres pour rétablir la véritable pensée du Stagirite et de son Commentateur.

Avant Auriol, il se rencontrait déjà des Scolastiques pour affirmer qu’à chaque orbe, Aristote donnait un moteur séparé et immobile qui déterminait, à titre de cause finale, d’objet désiré, le mouvement de cet orbe ; Auriol les accusait[1] de prêter à Aristote la théorie d’Avicenne.

Parmi les contemporains d’Auriol, il était également des lec teurs attentifs qui reconnaissaient, en divers textes d’Aristote et

  1. Petri Aureoli Commentarii in primum librum Sententiarum, Dist. XLII, art. I, p. 959, col. b.