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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

nement du premier ciel, Dieu le sait, mais il me parait présomptueux d’en juger.

» C’est par la seule connaissance (solo intendendo) que ces moteurs produisent le mouvement de circulation dans le sujet propre que meut chacun d’eux. La forme très noble du ciel, qui a, en elle-même, le principe de cette nature passive, tourne, aiguillonnée par la vertu motrice qui a cette connaissance ; je dis aiguillonnée non par contact corporel, mais par la vertu qui se dresse en ce ciel. — La forma nobilissima del cielo, che ha in sè principio di questa natura passiva, gira toccata da virtù motrice che questo intende ; e dico toccata, non corporalmente per tatto, da virtù, la quale si dirizza in quello. »

Cette substance séparée qui meut le ciel à titre de cause efficiente et non pas seulement à titre de cause finale, ce n’est pas celle que concevait Aristote ; ce n’est pas davantage celle que concevait Avicenne ; c’est bien celle que Saint Thomas considérait en la Somme théologique, celle dont il enseignait qu elle a, avec le ciel, non pas un contactas corporis, mais un contactus virtutis. Dante a pris non seulement la doctrine, mais encore les expressions de la Somme théologique.

Le poète nous a annoncé qu’au sujet des moteurs célestes, la vérité est enfin trouvée ; pour lui, cette vérité, c’est l’opinion que le Doctor communis professe en la Somme théologique. Les conseillers d’Étienne Tempier, parfois si hostiles à Thomas d’Aquin, paraissent, en celte circonstance, avoir embrassé sa doctrine aussi fermement que l’allait faire Dante Alighieri.


V
Les condamnations qui visent le mouvement des cieux
et l’unicité du monde

Au Sermo de substantia Orbis, Averroès, résumant très fidèlement l’enseignement d’Aristote, avait écrit[1] :

« En tout ce qui précède, nous avons expliqué comment l’Être qui donne la perpétuité au mouvement du ciel est aussi celui qui donne l’existence à ce mouvement. Si cet Être n’existait pas, le mouvement serait aboli ; et si le mouvement était aboli, le ciel le

  1. Averrois Cordubensis, Sermo de substantia orbis, cap. IV.