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L’ÉCLECTISME PARISIEN

tradition du Tractalus de substantia orbis que nous reconnaissons en ce passage.

Le Tractalus de substantia orbis, le commentaire d’Averroès sur la Métaphysique d’Aristote sont les sources où Burley a puisé ce qu’il dit des moteurs célestes[1].

« Selon ce que dit le Commentateur au XIIe livre de la Métaphysique, il faut comprendre que chaque orbe céleste possède un moteur qui est conjoint ou approprié à cet orbe ; en sorte que chaque orbe a un mouvement qui lui est propre ci qui varie d’un orbe à l’autre. Outre ces moteurs appropriés, il y a un Moteur séparé qui est le Dieu de gloire.

» C’est à cause du moteur conjoint que le mouvement de chaque ciel s’accomplit dans le temps ; en effet, en ce mouvement du ciel, la succession provient du moteur conjoint qui est de force finie. C’est du Moteur séparé que le mouvement du ciel tient son éternité ; en effet, comme le dit le Commentateur, le Moteur n’existait pas, le moteur conjoint mouvrait seulement pendant un temps fini.

» Pour comprendre cela, il faut savoir que le moteur conjoint ou approprié meut son ciel en vue du Moteur séparé, afin de se rendre semblable à celui-ci. Le moteur approprié meut [son ciel] afin de conserver sa propre perfection, de même qu’un homme se promène de temps en temps pour conserver la santé qu’il possède. Or le moteur conjoint conserve sa perfection par cela qu’il se rend semblable au Moteur séparé, et c’est seulement par le mouvement qu’il se peut rendre semblable au Moteur séparé. Le moteur conjoint meut donc le ciel uniquement en vue du Moteur séparé et afin de se rendre semblable à celui-ci. En effet, le Moteur séparé est cause de toutes choses, et les moteurs conjoints s’assimilent à lui en devenant causes de certaines choses ; mais s’ils sont causes de certaines choses, c’est qu’ils les amènent à l’existence par l’intermédiaire des mouvements du ciel. Voilà pourquoi, par le mouvement, les moteurs conjoints se rendent semblables au Moteur séparé, attendu que, par le mouvement, ils sont causes de certaines choses et deviennent semblables à la Cause première de toutes choses.

» Quant au Moteur séparé, ce Philosophe entend-il qu’il meuve à titre de cause efficiente ou, seulement, à titre de cause finale ? Cela semble douteux. Je crois cependant que, selon l’intention

  1. Walter Burley, ibid. ; éd. cit., fol. 228, col. d.