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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

ne sont pas, comme la forme substantielle, directement unies à la matière ; elles portent sur la substance tout entière, sur la substance déjà composée de matière et de forme substantielle. « La forme, dit-il[1], est chose qui a trait à la composition, qui advient au composé de matière et de forme, c’est-à-dire à la substance individuelle ; la forme universelle, donc, la forme substantielle et, aussi, la forme accidentelle adviennent au composé, mais chacune d’elles lui advient d’une manière différente. La forme substantielle, en effet, advient au composé alors qu’il se fait (in fier). La forme accidentelle lui advient après qu’il est fait (in facto esse). Enfin, toute forme universelle, telle que l’humanité ou l’animalité, étant une forme du tout, n’exprime ni la seule matière, ni la seule forme, mais exprime à la fois l’une et l’autre. »

Tel fut le réalisme, très net et très constant, de Walter Burley.

En Physique, notre auteur n’a plus, en général, de ces affirmations précises qui le puissent classer dans une école bien déterminée ; suivant les circonstances, il se laisse séduire par l’une ou l’autre des tendances que nous avons eu à décrire.

Dans la plupart des cas, son ambition maintes fois avouée est d’exposer l’opinion d’Aristote et d’Averroès. Que cet exposé soit parfaitement fidèle, il est souvent permis de douter ; il est permis, par exemple, de douter que le Philosophe et son Commentateur aient jamais intentionnellement professé le réalisme tranché dont Burley croit lire l’affirmation en leurs ouvrages.

De ce désir de suivre exactement la doctrine d’Aristote et d’Averroès, désir dont l’accomplissement n’est pas toujours parlait, nous trouvons une preuve en tout ce que Burley dit de la substance céleste et des principes qui la meuvent.

« Il est faux de dire[2] que tout corps est composé de matière et de forme ; en effet, le corps céleste, considéré séparément de son moteur, n’est point composé de matière et de forme ; c’est un corps simple qui existe en acte, qui n’est pas une matière en puissance de l’existence et qui ne possède pas une telle matière ; ce corps, il vaut mieux le nommer forme corporelle que matière, car il est seulement en puissance de la position (ubi). » C’est la

  1. Burlæi Liber sex principorium, circa initium ; éd. cit., deuxième fol. après le fol. sign. f. 4, col. b.
  2. Burlæus Super octo libros Physicorum, lib. VIII, tract. IV, cap. unicum ; éd. cit., fol. 229, col. a.