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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

Peu d’années avant le temps où nous leur entendons formuler, bien qu’en des termes différents, cette même doctrine positiviste, Paris avait été témoin de la. conversion profonde éprouvée par l’esprit de Raymond Lull ; et cette conversion avait orienté la pensée du franciscain de Majorque dans le sens même où Guillaume d’Ockam et Jean de Jandun allaient marcher si résolument. Lull avait eu, en la portée métaphysique de nos raisonnements a priori, une confiance telle que Saint Anselme n’en avait pas éprouvée d’aussi grande, que ni Descartes ni Spinoza n’en connaîtront de plus ferme ; et maintenant, il en était venu à proclamer que, dans la connaissance des choses qui se rapportent à Dieu, notre raison ne saurait avancer d’un pas à moins que la foi n’eût, auparavant, franchi ce même pas.

Pour peindre les sentiments qui les détachaient de la Métaphysique, pour justifier la méfiance que cette science leur inspirait, Guillaume d’Ockam, Raymond Lull, Jean de Jandun avaient posé avec fermeté des formules précises. Ils étaient, tous trois, hommes de pensée décidée. Au milieu de la grande hésitation qui faisait balancer l’Université de Paris, sincèrement résolue à suivre la doctrine de l’Église, et retenue cependant par l’attrait des systèmes philosophiques grecs et arabes, ils avaient su choisir une position stable et s’y tenir. D’autres, sans doute, n’avaient pas reçu en partage cette même assurance dans la décision ; parmi les maîtres parisiens, devaient se trouver bien des esprits irrésolus.

C’était un de ces esprits irrésolus que celui de Walter Burley,

De la vie de Walter Burley ou Burleigh, nous ne savons presque rien. Nous avons vu que Jean le Chanoine discutait une opinion de Magister Gualterius ; le colophon d’un manuscrit à peu près contemporain de l’auteur nous apprend[1] qu’il était

  1. « Explicit tractatus de puritate artis logice Magistri Gualteri Burley socii domus de Sorbona parisius. « (Bibl. nat., fonds latin, ms, no 16180, fol. 110, col. c). Nous avons vu, au chapitre précédent, que le ms. où se trouve cette indication avait été légué à la Sorbonne par Jean Pistoris de Lewis, chanoine de Liège et lui-même associé de la maison de Sorbonne, qui vécut peu de temps après Walter Burley.

    Nous avons vu également que ce manuscrit contenait les traités suivant», encore inédits, de Walter Burley :

    De puritate artis logicæ,

    Obligationes,

    Insolubilia,

    Consequentiæ.

    Des Sophismata insolubilisa du même auteur se trouvent en un manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale (fonds latin, ms. no 16621, fol. 243. ro, à fol. 247, vo).