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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

manque d’enseignement ; car on peut voir, par le raisonnement, que les susdites créatures sont en nombre beaucoup plus grand que ne sont les effets dont les hommes peuvent avoir connaissance. »

L’enseignement de l’Écriture, qui a manqué aux païens, complète[1], d’ailleurs, ce que la raison nous enseigne au sujet du grand nombre des créatures spirituelles ; Dante en prend occasion de reproduire la doctrine de Denys touchant la hiérarchie des neuf chœurs angéliques.

Il poursuit en ces termes :

« Les cieux mobiles, qui sont neuf, racontent les nombres, les ordres, les hiérarchies [des créatures angéliques] ; et le dixième annonce I unité et la stabilité de Dieu. C’est pourquoi le Psalmiste dit : « Les cieux racontent la gloire de Dieu et l’œuvre de ses » mains annonce la fixité (firmamento) ». Il est donc raisonnable de croire que les moteurs du ciel de la Lune sont de l’ordre des Anges ; que ceux de Mercure sont de l’ordre des Archanges, et que ceux de Vénus sont les Trônes. »

Tous les Archanges ont-ils pour fonction de mouvoir le ciel de Mercure, tous les Trônes de faire tourner les orbes de Vénus ? Au Paradis, Dante parait le croire sans l’affirmer, d’ailleurs, d’une manière formelle ; au Convito, où sa pensée se peut déclarer d’une manière plus détaillée et plus précise, il enseigne nettement le contraire :

« Ces Trônes, qui sont affectés au gouvernement du ciel de Vénus ne sont pas en grand nombre ; de ce nombre, les divers philosophes et astronomes ont eu des sentiments différents, selon la diversité de leurs opinions au sujet des circulations ; toutefois, ils s’accordent tous en ceci que le nombre des moteurs est égal à celui des mouvements qui se font. Selon le Livre de l’agrégation des étoiles [d’Al Fergani], qui expose la meilleure démonstration des astronomes, ces mouvements sont trois : Un selon lequel l’étoile se meut suivant son épicvcle ; un autre, selon lequel l’épicycle se meut avec tout le ciel de Vénus] d’un mouvement égal à celui du Soleil : un troisième par lequel ce ciel se meut, suivant le mouvement de la sphère étoilée, d’occident en orient, d’un degré en cent ans. Ainsi donc, pour ces trois mouvements sont trois moteurs. Tout ce ciel [de Vénus] se meut encore, avec son épicycle, d orient en occident, une fois en chaque Jour naturel ; ee mouvement provient-il de quelque intelligence ou de l’entraii.

1. Dante Alighieiu, Op. laud., trait, sccondo, cap. VI ; éd. cit., pp. 125-129.

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