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GUILLAUME D’OCKAM ET L’OCCAMISME

identiques à ce qu’ils ont été précédemment, par suite du retour des corps célestes à la même situation. »

« Voici comment se fait la récompense des bons et la punition des méchants[1] : Lorsque les atomes corporels se désagrègent, il demeure un certain esprit, que l’on nomme l’intelligence, et un autre esprit, que l’on nomme le sens. En un homme bon, ces esprits se trouvaient disposés d’excellente manière ; cette disposition, ils la retrouveront une infinité de fois, car ces divers individus, [l’intelligence, le sens et les atomes], se réuniront une infinité de fois ; par là, le bon se trouvera récompensé ; par là, aussi, le méchant sera puni, car, lorsque la réunion de ses atomes se reproduira une infinité de fois, toujours il reprendra sa mauvaise disposition. On peut encore faire une autre supposition qui est la suivante : Au moment où se corrompt, comme l’on dit, le corps qui les supporte (suppositum), ces deux esprits, [l’intelligence et le sens], d’un homme bon, viennent résider en un autre support que constituent des atomes plus parfaits ; alors, comme le support est plus souple et plus parfait, les intelligibles parviennent à ces deux esprits, plus nombreux qu’auparavant. »

Nicolas d’Autrecourt fait allusion ici à ce qui est peut-être, dans son système la thèse la plus curieuse. Puis que l’intelligence et le sens sont éternels, comment expliquer que les notions et les perceptions s’y puissent engendrer et périr ? En imitant ce que l’on a fait pour rendre compte, à l’aide des atomes éternels et du mouvement local, des générations, des corruptions, des altérations dont le monde des corps paraît être le siège.

Il existe des réalités qui sont des notions et des perceptions. Ces réalités, véritables atomes spirituels, sont éternelles. De même que, par le mouvement local, les atonies corporels peuvent se réunir ou se disjoindre, de meme, par un mouvement spirituel, ces notions et ces perceptions peuvent tantôt se présenter à notre intelligence et à notre sens, et tantôt les délaisser.

Voici les textes[2], nombreux et formels, qui nous font connaître cet atomisme spirituel :

« Les actes de notre âme sont éternels. S’il arrive que nous comprenions à un certain moment et point à un autre, voici pourquoi : Une certaine chose nous est rendue intelligible, par mouvement spirituel, au moment où elle se trouve, au voisinage

  1. Joseph Lappe, Op, laud., pp. 38.-39..
  2. Joseph Lappe, Op, laud., pp. 39.-40..