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GUILLAUME D’OCKAM ET L’OCCAMISME

ment ; de là résulterait nécessairement, en effet, une imperfection soit en l’Univers, soit en ses parties. »

« Toute chose qui est en l’Univers est meilleure en étant elle-même qu’elle ne serait en étant autre qu’elle-même. »

Le Monde est donc exclusivement formé de choses éternelles. Comment concilier cette première supposition avec les changements que nous percevons dans le monde des corps, et où la Physique péripatéticienne voit des générations et des destructions ? Parle retour à la Physique atomistique.

Que les doctrines des Atomistes aient trouvé un regain de faveur auprès de quelques-uns des maîtres franciscains qui enseignaient à Paris, en la première moitié du xive siècle, cela ne saurait être révoqué en doute.

Jean le Chanoine nous apprend[1] que, « selon l’opinion de frère Gérard d’Odon, tout continu est composé d’indivisibles et se résout en indivisibles. » Il nous fait connaître les raisons par lesquelles le maître général de l’ordre des Mineurs soutenait cette thèse.

Suivant l’exemple de Gérard, Nicolas Bonet admet cette composition de tout continu au moyen d’indivisibles non seulement pour les grandeurs permanentes, telles que les longueurs, surfaces et volumes, mais encore pour les continus successifs, comme le temps et le mouvement. Lorsque nous étudierons les doctrines professées à Paris, au xive siècle, touchant le mouvement et le temps, nous retrouverons ces théories de Gérard d’Udon et de Nicolas Bonet, et nous en signalerons la source : L’atomisme des Motékallémin, connu par l’intermédiaire du Guide des égarés de Maïmonide.

L’acquiescement donné par Nicolas d’Autrecourt à l’Atomisme n’était donc pas isolé.

Cet acquiescement était formule avec une entière précision[2].

« Il n’y a, dans les choses naturelles, rien d’autre que du mouvement local, mouvement par lequel des corps se réunissent ou se dissocient ; lorsque, par suite d’un semblable mouvement, les corps des atomes naturels se trouvent ramassés ensemble, ils s’attachent les uns aux autres, et le hasard qui les a disposés leur confère la nature d’une substance (sortiuntur naturam suppositi) ; on dit alors qu’il y a génération ; lorsque ces atomes se dispersent, on dit qu’il y a corruption, Lorsqu’à un tel sujet sur-

  1. Joannis Canonici Quæstiones super VIII libros Physicorum ; lib. VI, quæst. I ; éd. Venetiis, 1520, fol. 59, col. c et d, et fol. 60, col. a.
  2. Joseph Lappe, Op. laud., p. 38'.