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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

catégorique ; si les propositions nous sont connues par la cédule où elles sont rétractées, les écrits où elles étaient proposées nous demeurent inconnus ; au sujet, donc, des considérations qui les justifiaient, nous sommes réduits aux conjectures.

De la thèse qui paraît, dans le système de Nicolas d’Autrecourt, avoir joué le rôle principal, nous savons que l’auteur ne la donnait pas comme certaine ; mais du moins la proposait-il[1] comme probable, et même comme plus probable que la thèse contraire. Or, il s’agit d’une affirmation qui vise les substances. Nicolas ne s’est-il pas interdit à lui-même d’attribuer aucune espèce de probabilité à une semblable affirmation ?

À moins que l’on ne veuille accuser d’inconséquence flagrante ce logicien rigoureux à l’excès que fut Nicolas, on est, semble-t-il, réduit à admettre qu’il a proposé son système comme un ensemble d’hypothèses propres à sauver les choses qui apparaissent à notre perception externe ou interne, les seules choses dont nous avons la certitude immédiate et évidente ; sans doute, il jugeait que ses hypothèses, plus simplement que celles d’Aristote, sauvaient les apparences. Cette méthode eût été à l’imitation de Guillaume d’Ockam, dont Nicolas d’Autrecourt à si fortement subi l’influence. Est-ce bien celle qu’il a suivie ? Les textes nous manquent, qui donneraient réponse à cette question.

Sans chercher plus longtemps les raisons par lesquelles Nicolas d’Autrecourt justifiait son système de Physique et de Métaphysique, venons à l’exposé de ce système.

Voici la proposition qui paraît y jouer le rôle essentiel :

« Les choses[2] qui sont absolument permanentes, qu’elles soient des substances ou des accidents, dont on dit communément qu’elles sont engendrées et détruites, sont des choses éternelles. »

« Il vaut mieux[3] donner son assentiment à cette proposition : Les choses permanentes sont éternelles, qu’à la proposition contraire. »

« L’Univers[4] est absolument parfait, en lui-même et en chacune de ses parties ; ni dans le tout ni dans aucune partie, ne saurait se trouver la moindre imperfection ; c’est pourquoi il faut que le tout soit éternel aussi bien que ses diverses parties, qu’il n’y ait jamais, en eux, passage du non-être à l’être ni inverse-

  1. Joseph Lappe, Op. laud.
  2. Joseph Lappe, Op. laud., p. 37..
  3. Joseph Lappe, Op. laud., p. 39..
  4. Joseph Lappe, Op. laud., p. 38..