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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

lorsqu’il est produit par quelque agent que ce soit. » Si notre perception peut être illusoire lorsque c’est Dieu qui la produit, rien ne prouve quelle ne soit pas toujours illusoire ; et nous voici désormais réduit au scepticisme absolu.

« Il me semble que votre thèse conduit aux mêmes absurdités que la thèse des Académiciens. C’est pour éviter de telles absurdités, qu’aux disputes qui ont lieu en Sorbonne, j’ai soutenu cette proposition ; J’ai la certitude évidente des objets perçus par mes cinq sens, et le mes propres actes. Sum certus evidenter de objectis quinque sensum et de actibus meis. »

Avons-nous quelque autre connaissance certaine ? Mettons à part les connaissances que nous tenons de l’enseignement de l’Église. « Exception faite de la certitude de la foi[1], il n’est pas d’autre certitude que la certitude du premier principe ou que la certitude qui se peut ramener à celle du premier principe. » Les corollaires de cet axiome sont l’objet de la seconde lettre à Bernard d’Arezzo.

Tout syllogisme concluant transporte à la conséquence toute la certitude des prémisses. Il n y a donc pas à marquer de degrés divers en la certitude dont nos connaissances sont susceptibles[2]. Toute proposition qu’une démonstration rigoureuse tire du premier principe participe de la certitude absolue de ce principe. Toute proposition qui ne se ramène pas logiquement au premier principe est absolument, dépourvue de toute certitude.

Or, ce premier principe, quel est-il ? C’est le principe de contradiction[3] : « Les contradictoires ne peuvent être vrais simultanément. » On peut dire encore que[4] « le premier principe est ceci et rien d’autre : Si A existe, A existe. Si aliquid est, aliquid est. »

De là ce corollaire[5] : En toute déduction rigoureuse qui, d’une certitude du premier principe, le conséquent est forcément identique à l’antécédent ou à une partie de l’antécédent.

Il est donc clair[6] que tout jugement de cette forme : A est B, où B n’est pas la même chose que A ou qu’une partie de A, ne pourra jamais, par voie logique, être tiré du principe de non-contradiction.

  1. Joseph Lappe, Op. laud., p. 8. et p. 32..
  2. Joseph Lappe, Op. laud., p. 8..
  3. Joseph Lappe, Op. laud., p. 6..
  4. Joseph Lappe, Op. laud., p. 41.
  5. Joseph Lappe, Op. laud., pp. 8.-9..
  6. Joseph Lappe, Op. laud., p. 10..