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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

condamné Nicolas d’Autrecourt se déclaraient, d’avance[1], « pleinement convaincus de sa correction et de sa prompte obéissance. » La sincérité de son repentir ne parut point douteuse aux contemporains, car peu d’années après sa condamnation, le 6 août 1350, notre imprudent disputeur se voyait conférer le titre de doyen de la cathédrale de Metz.

Il ne faudrait pas attribuer, aux thèses soutenues par Nicolas d’Autrecourt, plus d’assurance ni plus d’importance qu’il n’en attribuait lui-même ; il ne faudrait point prendre pour assertions fermes ce qui n’était que paradoxes jetés dans la discussion, révoqués ensuite avec franchise et regrettés avec sincérité.

Toutefois, que certaines doctrines aient pu, pendant de longues années, sans encourir répression ni blâme, être soutenues à l’Université de Paris, fût-ce à titre de bravades, c’est l’indice qu’un certain état d’esprit, favorable au développement de ccs doctrines, régnait alors en l’Université. De cet état d’esprit, nous avons déjà trouvé et analysé un autre document ; nous voulons parler de cet écrit où un disciple anonyme d’Ockam a réuni avec tant de soin et formulé avec tant de netteté les thèses les plus audacieuses de son maître. Cet état d’esprit, nous lui donnerons son véritable nom en l’appelant l’Occamisme.

L’Occamisme ne régnait pas sans partage à l’Université de Paris ; nous verrons les maîtres les plus illustres échappera sa domination et la combattre. Mais au nombre et à la vigueur des coups dont ils frapperont les doctrines des disciples d’Ockam, nous devinerons que ces doctrines avaient trouvé des tenants nombreux et fermes. Assurément, donc, Nicolas d’Autrecourt ne fut pas tout à fait un isolé.

Nous allons exposer ici les principales thèses soutenues par ce maître ; nous ne nous flatterons pas, cependant, de les réunir en un système parfaitement coordonne ; la connaissance trop sommaire que nous en avons ne nous le permettrait pas ; et, d’ailleurs, de cette coordination, leur auteur même ne s’était peut-être pas soucié.

Mais auparavant, disons quelques mots des sources auxquelles nous aurons à puiser pour connaître ces thèses.

Une partie des doctrines de Nicolas était exposée en un traité

  1. Joseph Lappe, Op. laud., p, 42’.