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GUILLAUME D’OCKAM ET L’OCCAMISME

nantes ; le 4 mars 1338, en effet, Nicolas recevait une prébende de chanoine de la cathédrale de Metz[1].

Toutefois, l’audace croissante des opinions professées par Nicolas d’Autrecourt finit par attirer sur sa tête les foudres de l’Eglise.

L’occasion qui provoqua l’éclat paraît avoir été la publication d’une suite de neuf lettres, adressées au franciscain Bernard d’Arezzo, lettres où Nicolas exposait ses thèses les plus hétérodoxes. Tandis qu’un certain Gilles réfutait les affirmations des deux premières lettres, le pape Benoit XII écrivait d’Avignon, le 21 novembre 1340, à Guillaume, évêque de Paris afin qu’il fît comparaître à Avignon, dans le délai d’un mois, Nicolas d’Autrecourt et plusieurs autres maîtres dont l’enseignement paraissait suspect. La mort de Benoit XII, interrompit le procès ; mais Clément VI, qui était monté sur le trône pontifical le 19 mai 1342, le fit reprendre ; il en chargea un tribunal, composé de prélats et de docteurs, que présidait le cardinal Guillaume Curti. Ce tribunal, en plusieurs réunions, examina les articles que l’on reprochait à Nicolas d’avoir soutenus et les réponses que le chanoine de Metz opposait à ces reproches ; le pape lui-même fit comparaître l’accusé en sa présence.

En l’an 1346 et, certainement, avant le 19 mai de cette année[2], le tribunal fit connaître sa sentence. Les lettres à Bernard d’Arezzo et un opuscule de Nicolas, opuscule qui débutait par ces mots : « Exigit ordo executionis… » devaient être brûlés publiquement à Paris, soit au Pré-aux-Clercs, soit au Pré-Saint-Germain. Nicolas devait ensuite abjurer tous les articles hérétiques, faux ou suspects qu’il confessait avoir enseignés. En outre, il était destitué de la licence d’enseigner la Théologie et déclaré inapte à recevoir ce titre à l’avenir.

L’exécution de cette sentence eut lieu, en effet, à Paris, le 25 novembre 1347.

En la cédule d’abjuration, Nicolas déclare qu’il avait seulement émis toutes ces propositions hétérodoxes et audacieuses comme matières à discussion (disputative) et sans rien affirmer avec obstination. La difficulté même que l’on rencontre à composer, de tous ces articles disparates, un système qui ait quelque unité montre bien que cette déclaration n’est pas une excuse vaine et mensongère. D’ailleurs, les prélats et docteurs qui avaient

  1. Denifle et Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, loc. cit.
  2. Lappe, Op. laud., p. 47’, note 25 (d’après Denifle et Châtelain).