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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

franciscains développaient renseignement de Guillaume d’Ockam, mais dans un sens où celui-ci eût souhaité qu’il fût restreint ; leur Occamisme allait à l’encontre des tendances intimes d’Ockam.

Nicolas d’Autrecourt, au contraire, va reprendre, mais en l’accentuant, l’attitude intellectuelle d’Ockam.

La seconde proposition, celle qu’Ockam n’acceptait qu’à son corps défendant, il va la rejeter résolument. Il lui opposera ce principe : La connaissance intuitive claire nous donne la certitude absolue de l’existence de l’objet connu.

La première proposition, au contraire, celle qu’Ockam se plaisait à invoquer, il en va faire comme le pivot de sa doctrine ; avec une logique impitoyable, il l’obligera à produire tous les corollaires qu’elle renferme.

Le village d’Autrecourt, dont Nicolas[1] était originaire, se trouve au diocèse de Verdun-sur-Meuse. Nicolas y dut prendre naissance vers la tin du xiiie siècle, puisqu’en 1320, il était déjà pensionnaire de la maison de Sorbonne, où il demeura jusqu’en 1327[2]. Il était[3] maître ès arts, bachelier et licencié en Théologie et’en Droit.

Nicolas d’Autrecourt n’avait pas attendu d’être licencié en Théologie pour soutenir, sur une foule de points de Logique, de Physique, de Métaphysique, les théories les plus audacieuses ; lorsqu’il aura été condamné, en la pièce où il rétractera ses erreurs, il confessera[4] que certaines d’entre elles ont été enseignées par lui rue du Fouarre (in vico Straminum), partant, alors qu’il était simple maître es arts ; d’autres ont été exposées[5] alors qu’il lisait les Sentences.

Les doctrines qu’il enseignait dès ce moment étaient assurément de nature à faire quelque scandale. À la Faculté des Arts, rue du Fouarre, il déclarait que l’on ne saurait démontrer d’une manière évidente que toute chose n’est pas éternelle ; que l’on ne saurait, non plus, démontrer d’une manière évidente que tout ce qui apparaît n’est point vrai. Il ne semble pas, cependant, que l’autorité se soit, tout d’abord, émue de ces opinions maison-

  1. Joseph Lappe, Nicolaus von Autrecourt. Sein Leben, seine Philosophie, seine Schriflen (Beiträge zar Geschichte der Philosophie des Mittelallers, Bd. VI, Heft 2 ; Münster, 1908).
  2. Franklin, La Sorbonne, Paris, 1875 ; p. 224.
  3. Denifle et Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, t. II, pars I, pièce no 1041, p. 505, note 1.
  4. Lappe, Op. laud., p. 33’ et p. 34’.
  5. Lappe, Op. laud., p. 31’