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GUILLAUME D’OCKAM ET L’OCCAMISME

requiert toujours cette sorte d’existence qu’exprime 1 existence conceptuelle.

» Debes autem diligenter advertere quod notitiam intuitivam esse sine objecta præsente et actu existente potest intelligi dupliciter, secundum duplex esse quod habet objectum ; unum extra animam, quod est reale — et sine tali, potest bene esse notitia intuitiva — aliud esse cognitum in intellectu — et sine tali, esse non potest in intellectu notitia experimentalis objecti intuitiva, quia illa semper requirit esse expressum in esse cognito. »

Ainsi toute connaissance intuitive implique un jugement, qui affirme l’existence actuelle et la présence temporelle de l’objet.

Néanmoins, il peut fort bien arriver que, dans la réalité extérieure à l’esprit, l’objet de la connaissance intuitive ne soit ni tcmporellement présent ni actuellement existant.

La seule existence dont la connaissance intuitive nous donne la certitude, c’est l’existence à l’état de concept (esse cognitum) de l’objet dans notre esprit.

C’est le résumé de la doctrine de Nicolas Bonet ; c’est la formule du subjectivisme radical.

Contre ce subjectivisme, nous allons entendre la protestation de Nicolas d’Autrecourt.


XII
Nicolas d’Autrecourt

Dans sa théorie de la connaissance, qu’un de ses disciples nous a manifestée pleinement, Ockam a posé diverses affirmations dont deux sont d’une importance extrême. De l’une, il s’est complu à dérouler les nombreuses et graves conséquences ; l’autre, au contraire, il ne l’a formulée qu’à regret et comme malgré lui.

La première s’énonçait ainsi : Jamais la connaissance d’une chose ne peut nous donner la connaissance première d’une autre chose, soit en elle-même, soit en un concept simple qui lui soit propre.

La seconde était ainsi formulée : Dieu peut produire et conserver en notre esprit la connaissance intuitive d’un objet qui n’est pas présent.

Cette seconde proposition trouva faveur dans l’ordre des Mineurs. Nicolas Bonet la présenta dans toute son étendue et toute sa clarté. D’autres franciscains firent de même, tel Bernard d’Arezzo, dont, dans un instant, nous rencontrerons le nom. Ces