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GUILLAUME D’OCKAM ET L’OCCAMISME

ces deux termes ; c’est ce rapport, cette relation que figure, en quelque sorte le mot : est, lorsque je dis : l’homme est un être animé, ou encore : l’homme n’est pas un âne.

» Or il est évident que lorsque l’homme et l’animal ont été ainsi, par l’action comparative, et au moyen du lien que constitue le mot : est, posés tous deux en l’existence conceptuelle (in esse cognito) il en résulte nécessairement un rapport (habitudo) qui est une pure relation de raison ; ce rapport, en effet, est établi entre des extrêmes qui ont seulement l’existence diminuée. Mais ce rapport (habitudo) est conforme à la réalité extérieure à l’esprit. Cette conformité, à son tour, est une nouvelle relation de raison, car elle a pour fondement ce rapport qui est une relation de raison. Or c’est cette conformité qui est formellement et réellement la vérité ; c’est par cette vérité ou conformité que le rapport (habitudo) en question est dit véritable par définition (denominative)…

» À la vérité dont nous venons de parler, la fausseté s’oppose à titre de contraire et l’ignorance à titre de privation.

» Quelle est donc cette fausseté, demanderez-vous ? C’est la difformité qui s’oppose, à titre de contraire, à cette conformité qui a pour fondement le rapport (habitudo) considéré. Ainsi en est-il quand on unit dans l’intelligence des choses qui ne sont pas unies dans la réalité (sicut quando uniuntur in intellectu quæ non sunt in re unita). En voici un exemple : Lorsque j’énonce et conçois cette proposition : l’homme est un âne, ce rapport (habitudo), qu’implique le mot : est, se trouve être le fondement d une difformité à l’égard de la réalité extérieure ; c’est cette difformité même qui est la fausseté en vertu de laquelle, par définition, un tel rapport est appelé faux. »

L’idée que Bonet se fait de la vérité nous paraît maintenant claire.

La connaissance est une sorte de réseau. Les nœuds de ce réseau sont des concepts simples. Entre ces concepts, existent des liens qu’établit la copule : est. La vérité d’une telle connaissance c’est, par définition, l’ensemble de ces deux caractères :

À chacun des concepts qui existent dans notre esprit, correspond une chose qui existe dans la réalité extérieure à notre esprit.

Lorsque deux concepts sont liés entre eux dans notre entendement, les choses correspondantes ont, entre elles, un lien réel.

La vérité n’est rien de plus que cette correspondance, nœud