Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/656

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
646
LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

même, ce n’est pas autre chose qu’une relation de signe à chose signifiée ; et c’est par là que la connaissance absolument simple est vraie par définition. — Manifestum est autem quod ab ista conformitate, quæ est ipsa veritas formaliter, quæ nihil aliud est quam relatio signi ad signatum, dicitur notitia simpliciter simplex vera denominative. »

Mais par cette conformité, faut-il entendre quelque ressemblance entre le signe et la chose signifiée, de telle manière que la connaissance absolument simple serait vraie ou fausse selon que le concept ressemblerait ou ne ressemblerait pas à l’objet extérieur ? Il semble bien que notre auteur repousse cette manière de voir. Le signe manifeste simplement l’existence de son objet, sans impliquer aucune analogie ni ressemblance. Ou bien nous connaissons, par la connaissance absolument simple, l’existence d’une chose extérieure, ou bien nous ignorons cette existence ; voilà tout. C’est là, croyons-nous, la seule signification qu’il soit possible d’attribuer à ces lignes :

« À cette vérité-là, ce n’est pas la fausseté qui s’oppose, mais seulement l’ignorance, par le fait que l’objet n’est pas atteint. Huic autem veritati non opponitur falsitas sed ignorantia tantum, scilicet non attingere objectum. »

Passons maintenant à la connaissance des choses complexes. En une telle connaissance, que devons-nous entendre par vérité ?

Entre deux concepts fournis par la connaissance simple, la connaissance complexe pose un certain rapport ; si ce rapport conceptuel est conforme à un rapport réel entre les objets extérieurs que ces concepts signifient, cette connaissance est vraie ; sinon, elle est fausse. Par cette conformité, d’ailleurs, il faut sans doute entendre ici, comme dans le cas de la connaissance simple, une pure relation de signe à chose signifiée ; cette conformité est une correspondance, une coexistence, qui n’implique aucune analogie. ni ressemblance. Bonct ne le dit pas, mais cela semble résulter de son silence même. D’ailleurs, rapportons textuellement ce qu’il dit.

« Il est manifeste que la vérité de la connaissance complexe est la conformité avec la réalité extérieure du rapport (habitudo) dont les extrêmes existent d’existence conceptuelle (in esse cognito). Exemple : De l’acte de la comparaison entre une chose et une autre chose, la même que la première dans le cas de l’affirmative, diflérentc de la première dans le cas de la négative, résulte nécessairement une certaine relation de raison entre le sujet et le prédicat ; cette relation, se nomme le rapport (habitude) entre