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GUILLAUME D’OCKAM ET L’OCCAMISME

conclusion, quoique ce soit de cette chose qui est commune au sujet et au prédicat ; si l’on sait, par exemple, que l’homme est capable de rire, il n’en résulte pas que l’on sache quoique ce soit de l’être transcendant, bien qu’il soit commun à l’homme et à ce qui est capable de rire.

» Il n’est pas non plus de la nature du sujet qu’il soit ce qui est connu en premier lieu[1] dans la science ; en effet, si je n’avais jamais vu la Lune, mais si j’avais vu des chandelles que l’on empêche d’éclairer un milieu transparent, je pourrais connaître la signification de ce terme : défaut de lumière, en un milieu apte à la recevoir, par suite de l’interposition d’un corps opaque ; et si, après cela [je voyais la Lune et si j’en observais une éclipse], la connaissance du sujet serait postérieure à la connaissance de la prédication.

» Mais ce qui est précisément le rôle du sujet de la Science, c’est d’être le sujet de la conclusion connue. »

» Selon ce qui vient d’être dit, il pose[2] que ni la Métaphysique ni la Physique ni la Théologie n’est une science unique ; ce sont des Sciences multiples comme les multiples conclusions qui y sont connues ; et cela résulte de ce qui précède, car à des propositions connaissables spécifiquement différentes, correspondent, comme on l’a dit, des sciences propres différentes ; puis donc qu’en la Physique, on connaît une multitude de conclusions ; que les termes de l’une de ces conclusions concernent des choses qui diffèrent spécifiquement des choses visées par les termes d’une autre conclusion ; que, par conséquent, les propositions connaissables sont spécifiquement différentes ; il en résulte que les manières d’être (habitus) ou sciences correspondantes sont spécifiquement différentes. Partant, la science par laquelle je sais que la matière n’est ni engendrée ni corruptible est spécifiquement distincte de la science par laquelle je sais que toute chose en mouvement est mue par une autre chose.

» D’après cela, il pose[3] que ni la Métaphysique ni la Théologie ni la Physique n’a un sujet matériel unique, mais chacune d’elle a une multitude de sujets selon la multitude de prédications et la multitude de conclusions qu’elle renferme…

» D’après ce qui a été dit précédemment, il pose[4] que la manière d’être qui est la science des principes diffère de la science

  1. Au lieu de : primum cognitum, le texte porte : ipsum cognitum.
  2. Op. laud., Cap. I, conclusio 56a ; ms. cit., ibid.
  3. Op. laud., Cap. I, conclusio 57a (non numérotée) ; ms. cit., ibid.
  4. Op. laud., Cap. I, conclusio 59a ; ms. cit., fol. 123, col. c.