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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

car on ne connaît pas un complexe si l’on n’en connaît pas les termes, c’est-à-dire les choses désignées en ce complexe ; or il est constant que je puis connaître l’homme sans connaître la béatitude ; il en résulte donc que la connaissance de l’homme ne contient pas virtuellement la connaissance de cette prédication : Il est béatifîable.

» D’après cela, il pose[1] que le sujet et la connaissance de ce sujet n’en contiennent pas virtuellement toute la manière d’être, ni la conclusion par laquelle le prédicat est attribué au sujet, ni la connaissance des principes par lesquels cette conclusion se démontre ; cela est évident, car les principes, autres que les principes immédiats par lesquels on connaît la signification du sujet et du prédicat, ne sont pas connus ; pour être connus, ils requièrent l’expérience, comme l’enseigne le Philosophe à la fin des Seconds analytiques et au VIIe livre de la Métaphysique ; qui verrait la lumière du Soleil et n’aurait jamais expérimenté que de la chaleur est causée par cette lumière ne saurait jamais que cette lumière est productrice de chaleur ; et cependant cette proposition est immédiate ; et il en est de même de la chaleur pour celui qui n’a jamais expérimenté que l’application d’un corps chaud engendre de la chaleur en un autre corps.

» D’après cela, il pose[2] que la définition du sujet n’est pas toujours le moyen de démontrer tonte prédication de ce sujet. En effet, telle proposition qui énonce l’attribution d’un prédicat à son propre sujet peut être immédiate, comme celle-ci : Cette chaleur échauffe. Ou bien, alors que l’on connaît la définition du sujet, telle prédication peut demeurer cachée parce qu’elle n’est point connaissable, sinon par expérience. Ou bien telle prédication désigne une chose qui peut ne pas être connue, bien que la définition du sujet soit parfaitement connue.

» D’après cela, il pose[3] que la seule chose qui soit de la nature même (de ratione) du sujet de la science, c’est d’être le sujet d une conclusion connue, conclusion qui est le sujet de la science ; il n’est point de la nature de ce sujet d’être commun à tout ce qui est déterminé en cette science ; il peut arriver, en effet, qu’en une multitude d’autres conclusions, il soit parlé de quelque chose qui soit commun à tout ce dont il est question en cette première conclusion ; c’est-à-dire commun au sujet et au prédicat ; et cependant, il n’en résulte pas que l’on sache, par cette première

  1. Op. laud., Cap. I, conclusio 53a ; ms. cit., ibid.
  2. Op. laud., Cap. I, conclusio 54a ; ms. cit., ibid.
  3. Op. laud., Cap. I, conclusio 55a ; ms. cit., ibid.