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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

fait pour le premier principe, nous en choisirons seulement un très petit nombre ; mais nous en garderons l’ordre ou, pour mieux dire, le désordre.

« Selon ce principe, il pose[1] que le tout n’est pas une chose autre que toutes les parties prises ensemble ; car aucun des motifs énumérés ci-dessus[2] ne nous contraint, dit-il, à mettre une distinction entre le tout et toutes les parties.

» Selon ce principe, il pose[3] que l’essence et l’existence ne diffèrent réellement en aucune chose, mais qu’elles sont absolument identiques ; car, pour en admettre la distinction, on ne trouve aucune des nécessités susdites.

» Selon ce principe, il pose[4] que l’on ne dit rien du tout lorsqu’on dit qu’une chose non-existante a une existence essentielle (esse essentiæ) et que les créatures ont, de toute éternité, ce mode d’existence…

» Selon le principe précédemment énoncé, il pose[5] qu’il ne faut point admettre l’existence de rapports et d’indivisibles comine ceux que l’on est accoutumé d’admettre : tels les points, les lignes, les surfaces[6] ; à les admettre, en effet, ni l’expérience ni l’autorité ne nous obligent…

» Selon ce principe, il pose[7] que rien n’est indivisible pour l’esprit, si ce n’est l’ange, l’âme intellectuelle, Dieu et autres êtres de cette sorte…

» Selon ce principe, il pose[8] que les puissances de l’âme ne diffèrent pas réellement de l’essence de cette âme, car à les regarder comme, différentes, aucune méthode de distinction ne nous oblige…

» Selon ce principe, il pose[9] que l’intelligence active ne diffère pas de l’intelligence en puissance, car chacune d’elles est l’essence de l’âme ; il explique cette conclusion par un syllogisme : Cette essence de l’âme] est intelligence active et cette essence de l’âme est intelligence en puissance ; donc l’intelligence en puissance est l’intelligence active.

  1. Op. laud., Cap, II, conclusio 5a ; ms. cit, , fol, 128, col. d.
  2. La raison, l’expérience, l’autorité de l’Écriture, l’autorité de l’Église.
  3. Op. laud., Cap, II, conclusio 6a ; ms. cit, , fol, 128, col. d.
  4. Op. laud., Cap, II, conclusio 7a ; ms. cit., ibid.
  5. Op. laud., Cap, II, conclusio 11a ; ms. cit, , fol, 129, col. d.
  6. C’est, en effet, une des idées favorites d’Ockam ; il y revient en une foule de circonstances ; il l’expose avec un soin particulier, au Tractatus de Sacramento Altaris, capp. I et II.
  7. Op. laud., Cap, II, conclusio 12a ; ms. cit., ibid.
  8. Op. laud., Cap, II, conclusio 14a ; ms. cit., ibid.
  9. Op. laud., Cap, II, conclusio 16a ; ms. cit., ibid.