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GUILLAUME D’OCKAM ET L’OCCAMISME

une autre encore, l’unité générique ; et l’unité spécifique serait moindre que l’unité numérique, l’unité générique moindre que l’unité spécifique.

» Il y a plus : sans aucune distinction intrinsèque, il peut se faire qu’une chose ait plus de convenance avec une seconde chose qu’avec une troisième ou, en d’autres termes, qu’elle ressemble davantage à celle-là qu’à celle-ci ; il se peut donc que cette chose soit concevable de telle sorte qu’en un même concept, l’intelligence conçoive la première et la seconde chose sans concevoir la troisième, et qu’en un même autre concept, elle conçoive, à la fois, la première, la seconde et la troisième.

» Il n’y a pas une de ces formalités qui soit indivisible, mais toute chose est singulière, car tout être est par soi-même et non par un autre que lui-même. De même, donc, qu’il est irrationnel de demander pourquoi cet homme est cet homme ni quelles en sont les causes, à moins qu’il ne s’agisse des causes qui occasionnent cet homme ; de même, il est irrationnel de chercher quel est le principe d’individuation, dans le sens où l’on pose habituellement cette question, car il est plus rationnel de demander : Qu’est-ce qui fait l’universalité ? À chaque individu, en etfet, c’est de lui-même qu’il appartient d’être formellement tel ; mais l’universalité, d’où les choses la tiennent-elles hors de l’âme ? Elles la tiennent ou d’une dénomination extrinsèque imposée par l’âme ou d’un concept formé par cette âme…

» Selon ce qui a été dit précédemment, il pose[1] que les six prédicameuts dont traite l’Auteur des principes ne sont pas des choses distinctes des choses absolues ; et la raison en est la suivante : Selon le principe précédemment énoncé, Dieu peut produire et conserver séparément les unes des autres toutes les ehoses, distinctes les unes des autres dont aucune n’est partie d’une autre, etc. Mais il est évident que l’action, la passion, etc., ne peuvent être produites sans les choses absolues. Donc, etc. »

Lorsque nous traiterons du temps et du mouvement, nous verrons quelle importance cette proposition prenait en la Physique d’Ockam.

Venons au second chapitre, c’est-à-dire au second principe :

« La pluralité ne doit jamais être admise sans qu’il y ait nécessité de l’admettre. » À ce principe, le disciple d’Ockam attache une multitude de propositions ; de ces propositions, comme nous l’avons

  1. Op. laud., Cap. I, conclusio 101a (non numérotée) ; ms. cit., fol. 125, col. b.