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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME


A. — Diverses thèses occamistes.


Pour démontrer l’exactitude avec laquelle notre auteur reproduit des doctrines occamistes, citons ici ce qu’il dit de plusieurs des thèses exposées en l’article précédent.

Voici d’abord quelques corollaires déduits du premier principe : Dieu peut faire tout ce dont la production n’implique aucune contradiction.

« Il suit de là[1] que Dieu, dans l’ordre des causes efficientes, peut tout ce que peut une cause seconde.

» Il résulte[2] du même principe, et [Ockam] admet que Dieu peut produire et conserver les unes sans les autres toutes les choses réelles (res) dont aucune n’est partie essentielle d’une autre et dont, en outre, aucune n’est Dieu ; qu’il se produisit lui-même, en effet, cela impliquerait contradiction…

» Selon le même principe, il pose[3] que Dieu peut avoir produit le Monde de toute éternité ou qu’il a pu le produire ainsi, car cela n’implique aucune contradiction…

» De ce qui a été dit, que Dieu peut produire et conserver les unes sans les autres toutes les choses, etc., il résulte[4] que les relations de nombre à nombre, comme double, moitié, et autres du même genre ne sont pas des choses autres que les choses absolues au sujet desquelles on les énonce ; il y aurait contradiction, en effet, à ce qu’une grandeur de deux pieds existât et ne fût pas le double de sa moitié, la grandeur d’un pied ; ou bien à ce que deux grandeurs d’un pied existassent et ne fussent pas égales entre elles selon cette dimension par laquelle elles sont toutes deux longues d’un pied ; ou bien encore à ce que deux objets fussent semblables à un troisième et ne fussent pas semblables entre eux ; il en est de même de toutes les relations qui ne pourraient, sans contradiction, ne pas être lorsqu’on a posé l’existence des termes extrêmes…

» Selon ce qui a été dit précédemment, il pose[5] qu’en une chose, il n’y a pas une distinction intrinsèque de formalités telles que les suivantes : Par l’une de ces formalités, la chose singulière serait distinguée en son identité indivisible (in eodem indivisibili distincta)par une autre, elle recevrait l’unité spécifique ; par

  1. Op. laud, , Cap. I, conclusio 2a ; ms. cit., fol. 121, col. a.
  2. Op. laud., Cap. I, conclusio 3a ; ms. cit., ibid.
  3. Op. laud., Cap. I, conclusio » 4a ; ms. cit., ibid.
  4. Op. laud., Cap. I, conclusio 10a ; ms. cit., ibid.
  5. Op. laud., Cap. I, conclusio 35a ; ms. cit., fol. 122, col. b.