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GUILLAUME D’OCKAM ET L’OCCAMISME

ταῦτα ἀρχὰς ὑπέθεντο τῶν σωμάτων, ἂς ἀρκεῖν ἐνόμιζον πρὸς τοὺς ἀπολογισμοὺς τῆς τῶν γινομένων αἰτίας.. »

Il n’en fallait pas davantage, assurément, pour suggérer à Guillaume d’Ockam que les principes de la Physique peuvent être traités comme les philosophes grecs ont traité les suppositions de l’Astronomie ; ce ne sont qu’bypothèses propres à sauver ce qui est manifeste aux sens.

Or s’il est une vérité que l’Astronomie avait établie dès l’Antiquité, c’est bien celle-ci : Des hypothèses différentes peuvent sauver également des phénomènes donnes. Ce principe, il semble que, sans s’affirmer jamais, il soit partout présent en la Physique de Guillaume d’Ockam. Sans cesse, nous voyons le savant franciscain soucieux de prouver que deux explications peuvent être proposées d’un même effet, saus que ni l’une ni l’autre puisse être acculée à une impossibilité qui contraindrait de la rejeter.

« Faut-il admettre, par exemple[1], que les diverses parties, organiquement différentes, d’un même animal, telles que les os, la chair, etc., ont des formes substantielles spécifiquement différentes ? Au premier abord, il semble qu’il le faille admettre, car ces diverses parties ont des propriétés accidentelles spécifiquement différentes. Mais à l’encontre do cette supposition, on peut dire qu’une seule forme substantielle suffit pour tous ces accidents ; il n’en faut donc pas poser plusieurs.

» Au sujet de cette question je dirai que ni l’un ni l’autre des deux partis contraires ne peut être établi, d’une manière suffisante, au moyen de propositions connues par elles-mêmes ; cela est, de soi, évident. Ils ne peuvent être, non plus, établis ni l’un ni l’autre au moyen de propositions connues par l’expérience ; car on ne saurait, par les accidents et les opérations, prouver ni l’identité ni la différence des formes substantielles, et nous n’avons aucune expérience de la substance, si ce n’est par l’intermédiaire des accidents. La proposition que nous venons d’admettre se prouve ainsi : Nous observons souvent que des substances de diverses espèces sont sujettes à des accidents spécifiquement différents et aussi que de telles substances sont sujettes à des accidents de même espèce. Le feu et l’eau nous fournissent un exemple du premier cas ; le feu et l’air nous en fournissent un du second. Les deux premiers éléments, qui sont d’espèces différentes, ont des accidents spécifiquement différents ; les deux derniers,

  1. Guilhelmi de Ockam Op. laud., quodlib. III, quæst. VIII.