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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

d’Aquin a pris soin d’affirmer qu’ils n’ont pas d’autre justification, et tout récemment, Jean de Jandun a rappelé cette affirmation. Évidemment, c’est à l’image de la méthode suivie par les astronomes que Guillaume imagine la méthode qui permet de construire la Physique.

De cette pensée, nous ne devons point nous montrer surpris ; Ockam avait, dans ses lectures, rencontré des passages qui la lui devaient suggérer. Nous savons, en effet, que Saint Thomas d Aquin et scs successeurs s’inspiraient souvent des Commentaires de Simplicius, dont Guillaume de Moerbeke leur avait donné la traduction ; en particulier, ces Commentaires ont été souvent cités par le Venerabilis inceptor. Or, après avoir rappelé comment les Pythagoriciens, comment Platon composaient les divers éléments au moyen de petits polyèdres et, par le jeu de ces minuscules solides, prétendaient rendre compte des propriétés qualitatives des corps, Simplicius énonce cette remarque profonde[1] :

« Mais peut être Platon et les Pythagoriciens n’ont-ils pas admis que la substance corporelle fût vraiment et absolument une combinaison de ces triangles ; peut-être ont-ils fait comme les astronomes, dont les uns admettent certaines hypothèses et les autres d’autres hypothèses, sans affirmer catégoriquement que ces mécanismes variés existent dans le Ciel d’une manière absolue : s’ils supposent de tels principes, c’est afin qu’il soit possible de sauver les apparences en donnant à tous les corps célestes des mouvements circulaires et uniformes ; de même, préférant attribuer le rôle de principe à ce qui est quantitatif plutôt qu’au qualitatif, à la figure plutôt qu’à la qualité, et, parmi les figures, à celles qui, plus que les autres, ont une forme principale, qui jouissent de la similitude et de la symétrie, ces auteurs ont fait l’hypothèse que les principes des corps étaient ceux de ces figures qu’ils jugeaient suffisantes pour rendre compte de la cause des faits. — Μήποτε δὲ οὐχ ὡς πάντη, πάντως τῆς συστάσεως ἐκ τριγώνων τοιούτων οὔσης ὑπέθεντο αὐτὴν οἵτε Πυθαγόρειοι καὶ ὁ Πλάτων, ἀλλ’ ὥσπερ οἱ ἀστρόνομοι ὑποθέσεις ὑπέθεντο τινας ἄλλοι ἄλλας οὐ πάντως τοιαὐτας εἶναι ποικιλίας ἐν οὐρανῷ διαβεβαιούμενοι, ἄλλ’ ὅτι τοιούτων ἀρχῶν ὑποτεθεισῶν σώζεσθαι τὰ φαινόμενα δυνατὸν ἐγκυκλίως πάντων καὶ ὁμαλῶς κινουμένων τῶν οὐρανίων σωμάτων, οὕτω καὶ οὖτοι τὸ ποσὸν τοῦ ποισῦ προτιμήσαντες ἐν ἀρχῆς λόγῷ καὶ τὸ σχῆμα τῆς ποιότητος καὶ τῶν σχημάτων τὰ ἀρχοειδέστερα καὶ ὁμοιότητι καὶ συμμετρίᾳ κρατούμενα

  1. Simplicii In Aristotelis de Caelo commentaria, lib. III, cap. I ; éd. Karsten, p. 253, col. a ; éd. Heiberg, p. 565.