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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME


VI
La Physique d’Ockam

Impuissante à conquérir la vérité métaphysique, la raison naturelle s’attachera à résoudre des questions qui soient mieux à sa portée, où les méthodes dont elle a l’usage puissent conduire à la certitude. Deux domaines lui sont ouverts, où son activité peut s’exercer avec fruit ; ce sont le domaine de la Logique et le domaine de la Physique.

La Logique paraît avoir été l’objet préféré des études d’Ockam. Il fut un des principaux initiateurs de ce « terminalisme » qui, à Paris et surtout à Oxford, se développa, pendant deux siècles, en subtilités de plus en plus complexes et raffinées.

Mais l’œuvre accomplie en Logique par notre auteur ne nous intéresse pas ici. Il n’en est pas de même de l’enseignement qu’il a donné en Physique ; car cette science, elle aussi, a longuement retenu son attention ; de cette attention, le Tractatus de successivis, les Questiones super librum phisicorum nous ont déjà fourni la preuve ; à la Physique, sous le titre de Summulæ in libros Physicorum[1], Ockam a encore consacré un traité, le plus parfait, peut-être, que sa plume ait produit.

À quelle époque de la vie d’Ockam faut-il placer la rédaction de cet important ouvrage ? il nous paraît bien difficile de donner à cette question une réponse appuyée de quelque preuve.

En dépit de son titre, Summulæ in libros Physicorum, le traité d’Ockam n’est pas un commentaire de la Physique d’Aristote. L’auteur expose pour son propre compte les théories générales de la Physique ; il ne s’astreint pas à garder, même dans les grandes lignes, l’ordre qu’avait suivi le Stagirite : les quatre livres en lesquels son œuvre est subdivisée ne correspondent aucunement à quelques-uns des huit livres en lesquels le Philosophe avait partagé la sienne. En deux écrits ainsi conçus sur des plans

  1. Venerabilis inceptoris fratris Gulielmi de villa Hoccham Anglie : achademie Nominalium Principis Summule in lib. Physicorum adsunt. Cum gratia ut patet in suis privilegiis. Colophon : Expliciunt auree summule in lib. physicorum Fratris Guilielmi de villa Occham Anglie : Academie Nominalium principis : Sacrarum litterarum professoris ; ex ordine minorum : Correcte vigili studio ac labore venerabilis patris Fratris Augustini de Filizano ordinis sancti Augustini Sacre Theologie professoris. Impresseque Venetiis per Lazarum de Soardis. Anno 1506. Die 17 Augusti. — La première édition de cet ouvrage avait été donnée à Bologne, en 1494, par Benedictus Hectoris Bononiensis.