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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

elle, se dresse la sentence d’Étienne Tempier : Comment ne point encourir l’excommunication ? Voici ce qu’imagine Godefroid :

« Il semble qu’il y ait, dans un ange, une puissance active, unique en réalité, multiple par sa vertu, qu’on nomme volonté.

» On ne dira pas, toutefois, que l’ange meut le ciel par sa seule volonté, car cette proposition est réprouvée parmi les articles condamnés. On dit, en effet, qu’un être meut une chose par sa seule volonté lorsqu’il la meut suivant son bon plaisir, sans qu’il y ait aucune détermination entre le moteur et la chose mue ou bien entre le moteur et la fin en vue de laquelle il doit mouvoir. Or, en ce sens, on ne dira pas qu’un ange meut un ciel par sa volonté, car un bon ange ne meut qu’en conformité avec ce qui lui a été prescrit par Dieu, dont il est le ministre. »

Godefroid, cependant, n’est pas bien assuré que cette explication le mette à couvert des foudres d’Étienne Tempier, car il ajoute :

« Comme je n’ai pas l’intention de contredire à l’article ; comme, d’autre part, de Dieu seul, où vouloir et agir sont identiques, il y a, semble-t-il, lieu de dire qu’il fait, en toute créature, tout ce qui lui plaît, par sa seule volonté, il semble qu’on doive, dans un ange, placer un certain appétit distinct de la vertu motrice et de la connaissance. »

Évidemment Godefroid de Fontaines, comme Hervé Nédélec, ne parvenait pas à deviner ce qu’Étienne Tempier avait visé par sa condamnation.


D. L’opinion de Thierry de Freiberg.


Il est, au contraire, facile de reconnaître les doctrines que le décret porté par l’Évêque de Paris résumait en ces termes :

92 [73]. Les corps célestes sont mus par un principe intrinsèque qui est une âme ; ils sont mus par cette âme grâce à la vertu d’un appétit comme l’est l’animal. De même, en effet, que l’animal se meut lorsqu’il éprouve un désir, ainsi en est-il du ciel.

102 [75]. L’âme de chaque ciel est une intelligence, et les orbes célestes ne sont pas simplement les instruments de ces intelligences ; ils en sont les organes à la façon dont l’œil et l’oreille sont les organes de la vertu sensitive.

213 [71]. La nature qui est le principe du mouvement des corps célestes est une intelligence motrice. — Erreur si l’on entend cette proposition d’une nature intrinsèque qui serait une âme ou une forme.