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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

elle-même ; l’erreur qui la contredit est propre au seul Averroès ; c’est une erreur exécrable qui va non seulement contre la vérité théologique mais encore contre la vérité philosophique… Mais les deux autres propositions ne sont pas suffisamment connues par la raison naturelle, bien que quelques persuasions probables soient en leur faveur. Ces persuasions sont, pour la seconde, plus nombreuses et plus probables ;… elles sont moins nombreuses pour la troisième. Par conséquent, la conclusion qui résulte de ces propositions n’est pas, en suivant cette voie, suffisamment connue par la lumière naturelle.

» Il existe une autre voie pour aboutir a posteriori à cette conclusion… Mais ces raisons a posteriori sont moins probantes que les raisons a priori tirées de la forme propre de l’homme…

» Bref, donc, voici l’avis que l’on peut tenir en cette question : ni a priori, en raison d’un principe intrinsèque à l’homme, ni a posteriori, en raison de quelque opération ou de quelque perfection qui convienne à l’homme, on ne peut prouver la résurrection à l’aide de la seule lumière naturelle et d’une manière nécessitante ; cette résurrection ne peut être tenue pour absolument certaine que par la foi. Il y a plus ; en la première méthode, la seconde proposition elle-même, comme le dit Saint Augustin[1], nepeutètre tenue pour certaine par la raison, mais seulement par la parole du Christ qui dit dans l’Évangile : « Ceux qui tuent le corps ne peuvent tuer l’âme. »

L’àme, d’ailleurs, a-t-elle été directement créée ou bien a-t-elle été, comme les autres formes substantielles, tirée de la puissance de la matière ? « Je dis que cela ne peut être démontré, écrit Scot[2] ; en effet, on ne peut démontrer que l’âme soit immortelle, comme on l’a vu au IVe livre ; on ne peut donc démontrer qu’elle a été produite pour elle-même, qu’elle a été l’effet d’une production particulière. »

En ces divers points, Antonio d’Andrès a très fidèlement adopté l’opinioii de Scot et l’a très clairement exprimée[3].

Plus confiant en la raison naturelle, François de Meyronnes lui demandait des arguments[4] qui lui semblaient propres à démontrer l’immortalité de l’âme. À ces arguments, il prévoyait cette

  1. D. Aurelii Augustini De Trinitate, Lib. XIII, cap. IX.
  2. Joannis Duns Scoti Scriptum Oxiniense, Lib. II, Dist. XVII, quæst. I.
  3. Antonii Andreæ In quatuor Sententiarurn libros opus, Lib. IV, Dist. XLIII, quæst. II ; éd. cit., fol. 165, col. d. — Lib. II, Dist. XVII, quæst. I ; édit. cit., fol. 71, col. a.
  4. Francisci de Mayronis Scriptum in librum quartum Sententiarum, dist, XLV, quæst. II ; éd. cit., fol. 220, coll. a et b.