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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

mais ne peut mouvoir ou accomplir une chose plus considérable…

» On peut donc comprendre cet article de telle manière qu’il ait le sens suivant : L’ange ne meut pas par sa seule volonté de telle manière que ce qu’il doit mouvoir soit, d’une manière indifférente, soumis à son libre arbitre. En effet, outre la volonté de mouvoir, qui est le fait de l’ange, une proportion déterminée est requise entre le corps mobile et le vouloir du moteur ; car le vouloir du moteur est une force motrice finie. Si ce n’est pas là ce

Il est fort probable que ce n’est point ce qu’Étienne Tempier avait voulu dire ; Hervé Nédélec entendait bien, en dépit de l’échappatoire proposée par lui, que la théorie visée par la condamnation considérée était celle que Bernard de Trille et lui-même avaient adoptée.


C. L’opinion de Godefroid de Fontaines.


Hervé Nédélec n’était pas, sans doute, le premier docteur qu’eût embarrassé l’énigmatique condamnation portée par l’Evêque de Paris ; peu d’années auparavant, Godeiïoid de Pontaines ne s’était pas montré moins perplexe.

Godefroid examine[1], tout d’abord, la supposition « où les anges seraient les moteurs des orbes de la manière que les philosophes ont admise ». La nature des anges serait de mouvoir ; s’ils ne mouvaient, ils ne posséderaient pas leur perfection ; ils meuvent par essence ; on n’a donc pas à imaginer quelque pouvoir qui viendrait s’ajouter à leur essence, à leur nature pour les rendre capables de mouvoir.

Mais notre auteur n’admet pas cette doctrine. « Il ne faut point supposer que les anges meuvent les orbes par leur essence propre et par leur nature, mais bien par une certaine force active qui existe en eux et qui n’est pas appliquée au ciel d’une manière nécessaire. Comme, d’ailleurs, ce sont des substances spirituelles et intellectuelles, on ne voit pas qu’il y ait en elles quelque puissance capable d’être le principe d’une opération, hors l’intelligence et la volonté. »

C’est la thèse de Saint Thomas d’Aquin ; mais voici que, contre

  1. Magistri Godefridi de Fontibus Quodlibeta : Quodlib. V, quæst. VI ; Utrum in angelis sit aliquod principium activum aliud ab intellectu et voluntate. [Les Quodlibet cinq, six et sept de Godefroid de Fontaines, publiés par M. De Wolf et J. Hoffman, n (Les Philosophes Belges, t. III), Louvain, 1914 ; pp. 21 sqq.]