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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

résultats certains d’une philosophie infaillible et d’une science mathématique incontestable (nonne dogmatizatur in vico philosophiæ infaillibilis et incontradicibilis doctrinæ mathematicæ certlitudo), qui indique les merveilleuses propriétés des nombres et des figures, soit considérés en eux-mêmes, soit concrétisés (contractorum) par les grandeurs des corps célestes, par les sons harmoniques ou par les rayons visuels.

» Ô Dieu très glorieux, quelle idée vous nous avez donnée de votre amour pour les hommes, eu leur fournissant les moyens de connaître les périodes fixées par vous aux mouvements célestes, les distances des centres, la grandeur des mondes, la situation des pôles, les vertus des Signes, l’ordre et les rangs des planètes ! »

Après qu’il a célébré, avec ce religieux respect, les sciences qu’enseigne la Faculté des Arts, Jean de Jandun chante 1’« Éloge des théologiens »[1]. Piquant éloge, qu’accompagne en sourdine le rire à peine contenu d’une verve moqueuse. On souffrirait d’omettre une seule ligne de ce chef-d’œuvre d’ironie :

« Dans la très paisible rue nommée de Sorbonne, comme aussi dans nombre de maisons religieuses, on peut admirer des pères vénérables, des seigneurs, et, pour ainsi dire, des satrapes célestes et divins ; ils sont parvenus heureusement au faite de la perfection humaine, autant que le peut faire l’intelligence unie à la grandeur ; ils élucident solennellement les textes sacrés de l’Ancien et du Nouveau Testament, par des exercices fréquents de lecture et de discussion ; par leurs éloquentes prédications souvent renouvelées, ils s’efforcent d’enraciner dans les cœurs les vérités salutaires de la loi divine, qu’ils réalisent en eux-mêmes par leurs saintes œuvres. Ô grandeur insondable de la toute puissance divine ! Combien de savants lecteurs des Sentences, voulant examiner les choses invisibles à la lumière de celles que vous avez rendues visibles, se fatiguent par leurs travaux, maigrissent dans les veilles et sont rongés par de continuels soucis ! Tantôt ils redressent les écarts des philosophes païens ; tantôt ils en écrasent les erreurs ; tantôt, enfin, ils revendiquent, comme il convient, pour la défense de la loi catholique, les vérités découvertes par les païens, grâce à la lumière naturelle, vérités qui étaient, pour ainsi parler, entre les mains de détenteurs illégitimes.

» Cependant, bien que tous ces hommes, qui font profession de rechercher ardemment la vérité, passent pour tendre vers une

  1. Joannis de Janduno Op. laud., Pars I, cap. II : De laudibus theologorum ; éd cit., pp. 38-41.