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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

lectuelle de l’homme n’est pas éternelle dans le passé ; elle a commencé d’être ; elle a été innovée ; elle n’a pas été produite, par voie de génération, par quelque agent particulier ; elle a été créée par Dieu lui-même, créateur de toutes choses ; et cependant, par la volonté de Dieu, elle durera éternellement dans l’avenir ; par cette volonté de Dieu, elle sera un jour réunie à un corps qui sera numériquement le même que celui où elle a déjà été.

» Mais toutes ces vérités, je ne prétends point les démontrer, ni faire voir qu’elles s’accordent soit avec les paroles, soit avec les principes des philosophes païens ; je ne crois pas, d’ailleurs, que cela soit possible. J’estime qu’il vaut mieux dire qu’ils se sont trompés que de leur imposer faussement une opinion, alors qu’ils ont conçu le contraire de cette opinion ; le mensonge, en effet, est, par soi, chose coupable, et l’Éthique.

» Ces conclusions, donc, c’est en vertu de la foi seule que j’en affirme tout simplement la vérité ; je crois, en effet, que la puissance de Dieu peut tout faire. À l’aide de ce même principe, je répondrais à toutes les raisons d’où l’on tire argument contre ces vérités ; j’accorde, en effet, que toutes les conséquences qui en découlent nécessairement sont possibles à l’égard de la toute puissance divine. Si quelqu’un sait démontrer ces vérités et les mettre d’accord avec les principes des Philosophes, qu’il se réjouisse de son habileté ; je ne lui porte pas envie, mais je déclare qu’il surpasse ce dont je suis capable. »


L. Théologiens et Artistes.


Avant Jean de Jandun, nous l’avons dit, presque tous ceux qui avaient, au sein de l’Université de Paris, dirigé le progrès de la pensée étaient des théologiens ; avec Jean de Jandun, nous voyous, pour la première fois, les artistes s’élever au rang de chefs intellectuels ; et lorsque le temps marquera le milieu du xive siècle, nous verrons les enseignements que donne la Faculté des Arts semer à profusion, en des œuvres vraiment géniales, les idées où réside le germe des sciences futures, tandis que la Faculté de Théologie ne produira plus un seul livre de philosophie qui mérite d’être lu.

Ce changement n’est pas un simple déplacement d’influence, un simple transfert de prééminence d’une Faculté à une autre Faculté ; il est beaucoup plus que cela il manifeste que l’atten-