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LES DEUX VÉRITÉS. RAYMOND LULL ET JEAN DE JANDUN

» Si, d’ailleurs, au premier aspect, quelque chose paraissait insuffisant cd la solution de ces raisons, il n’en faudrait pas être troublé ; il est certain, en effet, que l’autorité divine nous doit inspirer une confiance beaucoup plus grande que n’importe quel raisonnement d’invention humaine ; de même que l’autorité d’un seul philosophe l’emporte sur quelque faible raisonnement proposé par un enfant. »

« Aristote[1], il est vrai, et le Commentateur ont dit cc qui vient d’être rapporté ; et selon les principes qui correspondent aux choses perçues par les sens, ils n’eussent pu faire une autre supposition (Quamvis Aristoteles et Commentator sic dicerent, et non possent aliud ponere secundum principia correspondentia rebus sensatis). Cependant, moi, je réponds autrement ; je dis que l’âme intellectuelle de l’homme est la forme qui communique son existence au corps humain ; je dis qu’elle est absolument indivisible ; qu’elle n’est étendue ni par elle-même ni par accident ; je dis qu’elle donne la perfection au corps humain tout entier et à chacune de ses parties, sans aucune autre forme substantielle inhérente à la matière. Cette âme intellectuelle a été innovée ; elle a commencé d’être après qu’elle n’était pas ; elle a été innovée non par génération, mais par création à partir du néant. Dans l’avenir, elle sera perpétuée par la vertu divine. Toutes ces propositions que formulent les catholiques fidèles, je déclare qu elles sont vraies tout simplement et sans aucun doute ; mais je ne sais pas les démontrer ; je félicite ceux qui savent les démontrer ; mais, pour moi, c’est par la foi seule que je les soutiens et confesse.

» Je résous par la même métnode la raison que l’on objecte. Bien que toute forme inhérente à la matière soit corruptible, je dis cependant que Dieu peut la perpétuer et la préserver éternellement de toute corruption. Par quel procédé, je l’ignore, mais Dieu le sait. »

Arrière donc toute tentative de conciliation entre l’enseignement des Philosophes et la doctrine de l’Église catholique. En toutes choses, les Philosophes se sont contentés d’affirmer ce qui se pouvait tirer de la connaissance sensible. En ce qu’ils ont dit, rien ne peut nous apprendre ce qu’il a plu a la toute-puissance de Dieu de faire ou de ne pas faire.

« Je dis[2] et j’affirme sans aucune hésitation que l’âme inteli

1. Joannis de Janduno /n Z/izoa’ cfe ofH/zio, lib. lii, quæsl. XII ; éd» cil., toi. 71, col. b*

3» Joannis de Janduno Op. taud^ lib. 111, quæst. XXIX ; éd. cit., fol, g4, cuL b.

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