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LES DEUX VÉRITÉS. RAYMOND LULL ET JEAN DE JANDUN

tir des choses sensibles. Cela, nous le tenons pour vrai, en respectueuse communauté de sentiments avec les saints docteurs de l’Église sacrée, parce que nous en sommes informés par la foi et la vérité. »


J. La perpétuité du Monde


Ce qui peut être, c’est, pour Aristote, ce qui sera nécessairement à une certaine époque ; ce qui ne sera jamais, est tout simplement impossible ; une chose qui ne sera jamais détruite, c’est une chose indestructible ; l’éternel et le nécessaire se confondent. Prétendre, donc, que Dieu a créé un Monde sus ce

être détruit et qu’il

peut cependant, s’il le veut, lui maintenir une existence qui n’aura pas de fin, c’est formuler un non-sens. « Mais ce jugement ne vaut point[1] contre la puissance divine et la foi ; Dieu peut faire quelque chose que, cependant, il ne fera jamais ; il peut donc faire qu’un être susceptible de génération et de corruption demeure perpétuellement. Mais cela est au-dessus de la nature, en sorte que cela ne peut être démontré à partir des choses sensibles ; et si cela pouvait être démontré, nous n’aurions plus de mérite à le croire. La puissance divine fait donc plus que notre intelligence ne saurait comprendre. »

« Qui tient[2] pour les principes de la vérité et de la foi doit dire ceci : Une chose qui est, de soi, corruptible, peut être perpétuée par autrui, savoir par Dieu. On n’en peut pas être convaincu à l’aide de ce qui a été perçu par les sens ; aussi Aristote n’a-t-il pu le comprendre, car il se fiait seulement aux choses dont on peut être convaincu au moyen de ce que les sens ont perçu ; et il en était de même du Commentateur. »


K. La spiritualité et l’immortalité de l’âme


L’âme humaine a commencé d’être ; elle n’est pas éternelle dans le passé ; partant, elle n’est pas nécessaire, elle peut être déduite ; mais dire qu’elle peut être détruite, c’est dire qu’elle le sera nécessairement quelque jour ; l’immortalité de l’âme est donc, pour tout péripatéticien, un dogme inadmissible.

« Telle a été[3], en effet, la doctrine d’Aristote et, surtout, celle

1. Joannis de Janduno Quæstiones in libros de Cælo et Mundo, lib. I, quæst. XXXIII ; éd. cit , fol. 21, col. c.

2. Joannis de Janduno Op. laud., lib. I, quæst. XXXV ; éd. cit., fol. 22, col, d.

3. Joannis de Janduno Quæstiones in libros de anima, lib. III, quæst, V ; éd. cit., fol. 60, coll. a et b. — Cf. Quæstiones in libros Metaphysicæ, lib. XII, quæst. IV ; éd, cit., col. 648.

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