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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

dont il s’agit arrive bien en une certaine partie déterminée du temps, mais cette époque, nous ne pouvons la connaître d’avance d’une manière déterminée, parce que cet événement est rare et inaccoutumé. Qu’un homme, par exemple, en creusant la terre, trouve un trésor ; voilà une chose qui est nécessaire de nécessité discontinue, déterminée en la nature, bien qu’indéterminée pour nous.

» Venons maintenant à la question… Aristote, dirons-nous, affirmerait que toutes choses sont nécessaires de l’une ou de l’autre de ces trois manières ; soit de nécessité continue ; soit de nécessité discontinue, déterminée à la fois en la nature et pour nous, comme les éclipses et les levers du Soleil et des étoiles ; soit, enfin, de nécessité discontinue, déterminée en la nature, mais indéterminée pour nous.

» Ce qui arrive de cette dernière manière arrivera nécessairement, et c est pourquoi cela est possible ; sinon, des contradictoires existeraient en la même chose et au même instant, ce qui va contre le premier des axiomes : Une même chose ne peut pas, à la fois, être et ne pas être. Cela arrive donc par une nécessité qui n’est pas un effet de la violence, qui n’est pas une nécessité continue, mais bien une nécessité discontinue par laquelle cela est déterminé en la nature, mais indéterminé pour nous ; cette nécessité découle de l’incompossibilité des contradictoires. On nomme contingentes ces choses qui sont [déterminées en la nature, mais] indéterminées pour nous. »

C’est bien là, semble-t-il, la seule notion de contingence que le Péripatétisme puisse admettre ; la contingence est un simple caractère illusoire, dont nous marquons les événements qui arriveront nécessairement, lorsque nous sommes incapables de les prévoir avec certitude ; si nous prétendions y voir une réalité, une possibilité simultanée d’être et de ne pas être, nous admettrions une pure contradiction. Nous avions entendu, déjà, Guido Bonatti, désireux de justifier les prédictions de ( Astrologie, exposer cette théorie péripatéticienne de la contingence ; mais si clairs que fussent ses développements, ceux de Jean de Jandun les surpassent encore en précision.

« Voilà, poursuit notre auteur, ce que dirait Aristote. Mais nous, selon la foi et la vérité, nous devons croire le contraire, car Dieu a fait librement toutes choses, et cela de telle manière qu’il pouvait faire chaque chose ou ne pas la faire ; de même, telle chose qui est possible ne sera jamais. Mais cela, Aristote, en suivant ses principes, ne l’a pas vu, car cela ne peut être démontré à par-