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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

occupe, la solution péripatéticienne, Jean <le Jandun conclut en ces termes[1] :

« Voilà la détermination à laquelle se sont arrêtés Aristote et le Commentateur, qui parlent au point de vue naturel, et en tant que l’on peut être convaincu par ce que les sens ont perçu.

» Aussi faut-il déterminer d’autre manière la réponse à cette question, si l’on suit la foi et la vérité. Le premier Principe, qui est le Dieu de gloire, est de puissance infinie en ce qui concerne l’intensité de sa force ; pour ce qui est de lui, il peut accroître à l’infini la vitesse du mouvement ; il peut aussi, en ce qui est de lui, mouvoir en un instant ; sa force n’est donc pas bornée à une certaine action déterminée. Cela est absolument véritable et nui ne peut contredire à cette vérité.

» Il est exact qu’Aristote et le Commentateur n’ont pas vu cela. Ils n’ont rien admis, en effet, que ce dont le témoignage des sens nous peut convaincre. Mais cette proposition ne peut être démontrée au point de vue naturel ; on n’en peut être convaincu par ce que les sens perçoivent, car elle est au-dessus de la nature et de son œuvre. Dieu peut faire ce que la nature n’est pas apte à comprendre et à saisir, car son opération se tient à une distance infinie au-dessus de l’opération de la nature. Il nous faut donc tout simplement croire à cette proposition, sans aucune démonstration naturelle ; il nous y faut tenir fermement, car nous en sommes informés par la foi sainte et véritable de l’Église sacrée ; il nous faut accorder respectueusement notre assentiment aux docteurs ; en effet, c’est parce que nous croyons sans posséder de raisons qui soient tirées des choses perçues par les sens, que nous avons du mérite ; car il n’y a aucun effet sensible par lequel on puisse être convaincu de cette vérité. »

De cette dernière assertion, voici maintenant le développement[2] :

« Le physicien ne doit rien admettre qui n’apparaisse au sens, ou (iui ne puisse être examiné a l’aide de quelques effets manifestes au sens, ou qui ne doive être supposé en vertu de tels effets (Naturalis philosophus non debet aliquid ponere quod non appareat ad sensum, aut quod non possit ex aliquibus apparentibus ad sensum investigari aut poni). En effet, ce qui éprouve la vérité des raisonnements, c’est qu’ils s’accordent avec les choses perçues par les sens (Experimentum sermonum verorum est ut

1. Joannis de Janduno Ofj. bmd., lib. XII, tjuæst. XV ; cd. cit.,coll. 685-686.

2. Joannis de Janijuno Qmestiones in libros Physicorum, lib. VIII, quæst. XX ; éd. cit., fol. 125, col. a.

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