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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

manière irréfutable, lui démontre être faux ? Sa pensée ne se résume-t-elle pas, de la manière ta plus formelle et la plus précise, en un credo quia absurdum ?


G. Les rapports du Dogme et de la Philosophie.
La force infinie de Dieu
.


Cette pensée n’est ni si simple ni si déraisonnable.

Des rapports entre le Dogme et la Philosophie, Jean de Jandun a conçu une théorie fort complète et fort logiquement ordonnée ; à cette théorie, il fait, au cours de scs divers ouvrages, de très nombreuses allusions ; si nous voulons bien prendre la peine de recueillir ces diverses allusions, il nous sera facile ensuite, à l’aide de ces fragments épars, de reconstruire le système entier.

Il nous suffira même, pour reconnaître toutes les lignes principales de l’édifice, de lire ce que notre auteur a écrit au sujet d’un seul et même conflit entre la Philosophie et la foi chrétienne.

La Dynamique d’Aristote veut qu’il y ait proportionnalité entre la force qui meut un mobile et la vitesse du mouvement de ce mobile ; le mouvement diurne, dont le premier mobile est mû de toute éternité, étant de vitesse finie, le premier Moteur doit être éternel en durée, mais de force bornée ; telle est la conséquence à laquelle Aristote parvient en sa Physique aussi bien qu’en sa Métaphysique. Le Commentateur suit, bien entendu, la doctrine du Philosophe. À l’encontre d’une telle doctrine, au contraire, se dresse la foi catholique ; elle ne peut souffrir que l’on assigne des bornes à la force divine, que l’on dise à Dieu : Tu peux mouvoir tel mobile avec telle vitesse, mais tu ne saurais le mouvoir plus vite.

À trois reprises, Jean de Jandun se trouve amené à parler de ce conflit ; écoutons ce qu’il en dit.

Des trois textes que nous voulons citer, voici le premier[1] ; il résume en quelque sorte toute la doctrine dont nous retrouverons mainte autre application.

« À cette question : Dieu est-il infini en force ? nous devons répondre selon la foi et la vérité ; or elles posent que Dieu est infini en force. En cette vie, nous ne pouvons pas avoir de Dieu une connaissance parfaite, encore que des autres êtres séparés de la

  1. Joannis de Janduno Quæstiones in libros Metaphysicæ, lib, II, quæst. IV ; éd. cit., coIL 127-128.