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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME


E. La matière des deux.


En tout ce qui concerne la forme, Jean de Jandun se tient tout près de l’enseignement d’Avicébron, encore qu’il en exagère parfois les tendances. Nous avons vu, par exemple, qu’il n’était pas éloigné d’admettre l’existence de la corporéité, de cette forme substantielle commune à tous les corps, aussi bien au corps céleste qu’aux divers corps sublunaires. Au contraire, il est l’adversaire résolu de la thèse que le rabbin de Malaga soutenait au sujet de la matière ; il ne veut pas qu’il y ait une matière commune au Ciel et au Monde de la génération et de la corruption ; il ne veut meme pas que le corps du Ciel soit composé de matière et de forme ; comme Averroès, il veut que ce corps soit un sujet simple. En un précédent chapitre, nous avons rapporté les déclarations favorables à cette opinion qu’il formulait en commentant le De substantia orbis ; au présent chapitre, nous l’avons entendu répéter semblables déclarations, en ses Questions sur la Métaphysique ; nous pourrions recueillir de sa bouche mainte affirmation de même sens. Bornons-nous à citer une question[1] où, à l’aide des principes posés par Averroès, il réfute deux théories dont il nomme les autours : Celle de « frère Thomas » qui met. en la substance céleste, une matière véritable, bien qu’essentiellement différente de la matière des corps inférieurs, et celle de « Gilles » qui accorde la même matière première aux ci eux et aux êtres sublunaires.


F. L’unité de l’intelligence humaine.


En cette circonstance, comme en la plupart des cas, Jean de Jandun sc range pleinement à l’opinion d’Averroès ; cette opinion lui parait être, en effet, l’interprétation fidèle de la pensée d’Aristote et l’expression de la vérité philosophique.

Or, la doctrine d’Aristote, dont notre auteur sc montre l’inébranlable tenant, se heurte fréquemment à la doctrine chrétienne. En ces conflits, quel sera le parti de Jean de Jandun ?

Voici, par exemple, la grande hérésie Averroïste qui, à l’ensemi

  1. Ioannis de Ianduno In libros Aristolelis de Coelo et Mundo quae extant quæstiones subtilissimæ : quibus nuper consulto a diecimus Averrois sermonem de substantia orbis cum eiusdem Ioannis Commentario ac quæstionibus. Venetiis apud Iuntas. Anno MDLII De Coelo et Mundo lib. I, quæst. XXIII, p. 14, col. d, à p. 16, col. c.