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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

admis, en effet, que les corps célestes étaient animés et que leurs âmes mouvaient les orbes qui leur correspondent afin de devenir, à l’égard des êtres inférieurs, semblables aux Intelligences.

» Mais si nous prenons l’âme selon ce qui en est la nature propre, selon ce quelle est dans les êtres inférieurs, il est constant que Jour Opinion est fausse, car ces corps célestes ne sont point des corps organiques ; aussi Damascène dit-il : « Nullus animatos cælos vel luminaria existimet ; inanimati enim sunt et inspirituales. »

» C’est pourquoi il existe cette quatrième opinion : Les cieux sont mûs d’une manière immédiate par des anges. Les anges, en effet, sont les ministres de Dieu dans l’administration des choses inférieures ; il n’y a donc rien d’inconvenant à ce qu’ils soient, pour un temps, au service du Seigneur, en l’administration des causes universelles. Aussi pense-t-on que les anges qui sont députés au mouvement des cieux, comme ceux qui sont députés à la garde des hommes, appartiennent aux ordres les plus élevés. Cette opinion s’accorde avec les paroles des saints. En effet, Saint Augustin dit, au troisième livre De la Trinité, que Dieu régit et administre tous les corps par l’intermédiaire d’un esprit de vie qui est raisonnable ; Origène dit la même chose en son quatrième dialogue. »

En cette théorie de Bernard de Trille, on hésiterait peut-être à reconnaître celle que prétendait résumer cet article : C’est par sa seule volonté que l’intelligence meut le ciel. Pour nous convaincre qu’en condamnant cet article, Étienne Tempier entendait condamner la théorie qui attribue le mouvement des cieux à la libre action des anges, nous avons le témoignage formel d’un auteur qui écrivait au commencement du xive siècle, du dominicain Hervé Nédélec.

« Ce théologien[1], ce philosophe longtemps célèbre est nommé par ses contemporains tantôt Hervæus Natalis, tantôt Hervæus Brito. Natalis, en français Noël, se traduit en breton par Nédélec. Le nom et le surnom réunis nous donnent donc Hervé Nédélec ; Échard, par conséquent, semble mal inspiré quand il appelle notre docteur « Hervé de Nédellec », ce mot « Nedellec » désignant, suivant lui, un domaine que sa noble famille possédait au diocèse de Tréguier.

» Échard a tort aussi, suivant toute vraisemblance, quand il

1. Barthélemy IIauréau, Hervé Nédélec, général des Frères Prêcheurs (/fisfoire /tizératre t/e Za France, l. XXXIV, igi4» pp» 3o8-3og).

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