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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

Vers la fin du xiiie siècle, Pierre d’Abano avait commencé à Paris, sur les Problèmes d’Aristote, un volumineux commentaire qu’il devait achever seulement eu 1310, à Padoue. Au début de ce commentaire, il nous apprend[1] que l’authenticité des Problèmes était révoquée en doute par certaines personnes. À ces doutes, il oppose les ré té ronces à ce livre des Problèmes qui se rencontrent dans d’autres ouvrages d’Aristote. Puis il continue en ces termes :

« Je pense, toutefois, que les Problèmes d’Aristote ne sont pas tous parvenus à notre langue ; dans le traité De somno et vigilia et dans le traité Des animaux, se rencontrent des références à des passages de ce livre des Problèmes qu’un examen minutieux ne m’a nullement permis de retrouver. D’ailleurs, j’avais depuis longtemps réuni les éléments de là présente exposition des Problèmes, lorsque je me rendis à Constantinople pour apprendre le Grec ; j’y trouvai un nouveau volume des Problèmes d’Aristote ; ce volume, je l’ai déjà traduit en latin. »

Que les recherches de Pierre d’Abano aient vivement sollicité l’attention, des Parisiens, un fait nous le prouvera bientôt ; nous verrons que Jean de Jandun a révisé et complété le commentaire composé, sur les Problèmes, parle médecin de Padoue.

On sait que certaines sections des Problèmes d’Aristote sont consacrées à des sujets particulièrement scabreux ; ccs sujets semblent avoir exercé, vers la fin du xiiie siècle, sur les maîtres-ès-arts de Paris, un irrésistible attrait ; parmi leurs quolibets abondent les questions que « nous n’aurions pu énoncer, même en latin », dit justement B. Hauréau[2] ; encore le titre de la question, bien souvent, donne-t-il à peine un avant-goût de la grossière obscénité avec laquelle elle est discutée. Si, d’une manière générale, les nombreuses questions conservées par le manuscrit que nous étudions révèlent, chez les Henri l’Allemand, les Henri de Bruxelles et les Jean Vate, un médiocre souci de tout ce qui suppose une certaine puissance d’abstraction, beaucoup d’entre elles nous les montrent qui se complaisent en une philosophie de pourceaux.

  1. Problemata Aristotelis cum duplici translatione antiqua videlicet et nova scilicet Theodori Gaze : cum expositione Petri Aponi, Tabula secundum magistrum Petrum de Tussignano per alphabetum. Problemata Alexandri Aphrodisei. Problemata Plutarchi. Cum gratia. — Colophon : Expliciunti problemata Plutarchi, perquam emendatissime impressa Venetijs per Bonetum Localellum presbyterum. Anno salutis 1502. Tertio Kalendas sextiles. Problemium, fol. I, col. a et b.
  2. B. Hauréau, Op. laud., p. 219.