Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/544

Cette page n’a pas encore été corrigée
534
LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

ges. En 1310, l’officialité de Paris commit[1] quarante maîtres et bacheliers ès-arts et en médecine pour examiner si l’Ars brevis était exempt de toute erreur contre la foi. Le 10 février, nos quarante clercs se rendirent en la maison que Raymond habitait alors hors Paris, « au faubourg de la Boucherie (in vico Bucceriæ), au delà du Petit Pont, du côté de la Seine. » Après que l’ardent franciscain leur eût montré son livre et exposé son système, ils déclarèrent que « ladite science ou ledit art était bon, utile et nécessaire, autant, du moins, qu’ils avaient pu l’examiner et le juger. »

Sans doute, parmi les quarante maîtres et bacheliers ès-arts et en médecine qui, le 10 février 1310, avaient passé le Petit-Pont pour aller, au Faubourg de la Boucherie, conférer avec Raymc nd Lull, plus d’un, en cette entrevue, avait appris à n’accorder qu’une parcimonieuse confiance aux raisonnements de la Métaphysique, à moins que la foi ne se portât caution de la vérité de leurs conclusions.


II

La Faculté des Arts au début du xive siècle


En 1310, au début de ses Douze principes de Philosophie, Raymond Lull déplorait l’état d’esprit de ces Averroïstes « qui tenaient la foi catholique pour fausse et erronée, lorsqu’ils la considéraient du point de vue intellectuel, qui est le point de vue propre de la Philosophie, tandis qu’ils la déclaraient vraie par loi. »

Ces Averroïstes, nous les faut-il laisser anonymes ? Ne pouvons-nous, du moins, nommer quelqu’un d’entre eux ? Il semble bien que nous ne nous tromperons guère en mettant Jean de Jandun[2] au nombre de ceux que visait Lull ou de leurs disciples immédiats.

  1. Denifle et Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, pièce no 679. t. II, pp. 140-141. — En dépit de quelques particularités singulières, cette pièce, dont il est fait mention le 10 oct. 1369 dans un privilège accordé par Pierre IV d’Aragon, privilège dont l’original est conservé, cette pièce, disons-nous, semble bien devoir être considérée comme authentique. C’est la conclusion à laquelle se rallient le R. P. Denifle et M. Châtelain dans les notes insérées aux pp. 141-142.
  2. Sur ce personnage, voir : Noël Valois, Jean de Jandun et Marsile de Padoue, auteurs du Defensor pacis (Histoîre littéraire de la France, t. XXXIII. pp. 528-623).