Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/540

Cette page n’a pas encore été corrigée
530
LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

nairement les réactions chimiques ait attiré l’attention de Raymond Lull et lui ait suggéré les réflexions précédentes.

La vertu élémentative est un appétit ; la jouissance accompagne donc l’accomplissement de l’œuvre à laquelle elle tend ; lorsque cette œuvre est accomplie, l’appétit satisfait se repose.

« Lorsque la vertu élémentative engendre des mixtes[1], elle éprouve une délectation véritable, comme la vertu végétative, lorsqu’elle produit la croissance, et la vertu sensitive lorsqu’elle perçoit la sensation ; en raison de cette jouissance, la vertu élémentative accroît et propage ses actions autant qu’il est en son pouvoir, afin que les composés qu’elle engendre puissent être, eux aussi, en grande délectation….

» La fin à laquelle tend la vertu élémentative est la génération et la possession du composé en qui elle se reposera ; une fois ce composé obtenu, la vertu élémentative n’éprouve plus aucun appétit ; s’il n’en était pas ainsi, en effet, le composé ne serait pas sa fin propre. »

Force productrice des composés au moyen des éléments, la vertu élémentative est donc, en même temps, une force conservatrice pour les composés qu’elle a produils. « La vertu élémentative[2] s possède les conditions véritables qui empêchent une espèce de se transformer en une autre espèce. Les Alchimistes s’en lamentent et y trouvent mainte occasion de pleurer. Ex isto passu, Alchemistæ dolent et habent occasiones flendi. »

Ce langage, où perce une pointe de moquerie, n’est assurément pas d’un Alchimiste. Lull n’est pas moins affirmatif, à l’encontre de la transmutation des métaux, dans son traité, composé en catalan : Felix de las Maravelles. « fout le chapitre consacré à l’Alchimie[3] est une réfutation de la possibilité de la transmutation, et Félix, dans les lignes suivantes, conclut, après avoir entendu le philosophe démontrer l’absurdité logique de l’opération : « Selon vos paroles, il est impossible que l’on fasse une transmutation d’un élément en un autre, selon l’art d’Alchimie, car vous dites qu’aucun métal ne désire changer son être en un autre être ; car s’il changeait son être en un autre être, il ne serait pas le même être qu’il aimait à être ; j’ai donc bien compris toutes vos raisons et allégories. » Lull n’avait donc pas,

1. Raymundi Lullii Op. laud., Pars cit., Cap. LU : Deociavo subjecto scilicet elemeatativa per principia deducta ; ed. cit*, pp* 438-439*

2. Raymond Lull, /oc* c/L ; éd* cit*s p* 438*

3. J. IL Phubst, Carac/ére et origine des idées du Jfien/ieureuÆ Jlaymond Lutte, Toulouse, 1912 ; pp* 170-171.

  1. 1
  2. 2
  3. 3