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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

ger de lieu. Nous en faisons l’expérience en nous même ; aussitôt que notre volonté décide le mouvement de notre bras, notre bras se meut.

Nous avons entendu Thomas s’exprimer d’une manière encore plus formelle en vue de ses réponses au lecteur vénitien : « Si les anges meuvent, disait-il[1], ils ne sauraient mouvoir d’aucune manière, si ce n’est par l’empire de leur volonté. Unde si movent, nullo modo, nisi per imperium, movere passunt. »

Évidemment, l’opinion que Thomas d’Aquin donne ici comme probable ou comme certaine est exactement celle qu’Etiennc Tempier et scs conseillers allaient, quelques années plus tard, condamner comme erronée. Le Doctor communis prévoit, d’ailleurs, une concession à ceux qui ne s on voudraient pas contenter. La décision volontaire de l’ange qui meut le ciel pourrait s’accompagner de l’influx d’une certaine force dans l’orbe à mouvoir.

Les pensées que Saint Thomas avait proposées en sa Quæstio disputata trouvèrent des partisans parmi les Dominicains de son temps. Ce sont ces pensées que nous allons retrouver, très aisément reconnaissables, sous la plume de Bernard de Trille.

En ses Quæstiones in Sphæram Joannis de Sacro Bosco, Bernard consacre la seconde question relative à la première leçon à s’enquérir du mouvement des cieux ; ce qu’il en dit[2] mérite d’être, ici, rapporté tout au long, tant à cause de la rareté du texte où on le peut lire que de ses rapports avec l’article condamné à Paris.

« Au sujet du mouvement des cieux, on ilemande, en premier lieu, si le ciel est mû par sa forme propre. Il semble que oui ; il est dit, en effet, au livre Du ciel et du monde, que le mouvement du ciel est naturel ; mais un effet est naturel qui provient d’un principe intrinsèque ; donc, etc.

» D’autre part, il semble que le Ciel soit mû par la Cause première.

» Enfin, il semble que le Ciel soit mû par une âme, car il est dit, au livre Du Ciel et du Monde, que le ciel a une âme en laquelle réside le principe de son mouvement ; et au traité De substantia orbis, il est dit que la forme qui meut le ciel est de la nature d’une âme. À l’encontre de cette opinion, Damascène écrit, en son second livre ; « Que nul n’aille juger que les cieux et les astres sont animés ; ils n’ont point d’âme ni d’esprit. »

1. Sancti Thomæ Aquinatis Opuscula. Opusc. XI : Responsio ad lectorem venetum de articulis 36. Artic. III.

2. Bibliothèque de la ville de Laon, Ms. No171, foL 70, cgL d, à fol. 71, coL b.

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