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LES DEUX VÉRITÉS. RAYMOND LULL ET JEAN DE JANDUN

selon la qualité, car je suis doué de qualité, selon les relations, car je suis doué de relation, et ainsi des autres prédicaments.

» En la huitième sphère, je suis mouvement absolu ; je suis mouvement subordonné en la sphère de Saturne, et ainsi de suite, en descendant de sphère en sphère au travers des sphères des autres astres[1] jusqu’aux êtres particuliers doués de végétation, jusqu’à la pierre, jusqu’à la rose, jusqu’au cheval et à tous les êtres de même sorte. En tous ces êtres, je suis, à la fois, moteur et mobile ; d’une manière successive et continue, je passe de la puissance à l’acte…

» Je suis continu, en tant que je suis une essence absolue unique ; c’est d une manière continue que je me trouve étendu par tout l’Univers, car l’Univers entier u’eist qu’un seul individu corporel et continu ; il est constitué, comme on l’a dit à propos de la matière générale, de ses principes généraux, de sa bonté, de sa grandeur, etc., et des dix prédicaments. Toutes ces [parties de F Univers que nous voyons] sont, par en haut, continues entre elles, et non pas simplement contiguës ; il en est au contraire par en bas. Si, par en haut, elles n’étaient que contiguës, le Monde serait un individu discontinu ; il n’aurait pas d’unité ; en outre, il renfermerait du vide ; moi donc, mouvement, je ne serais plus continu, je serais divisé en parties successives, ce qui est impossible.

» Dans les corps particuliers,… je deviens discontinu : mais en ce qui concerne mon essence, je demeure indivis, en sorte que toutes choses sont en moi et que je suis en toutes choses, par mon existence et mon action, sans être affecté d’aucun vide. »

En cette description d’une forme universelle et d’une matière universelle, dont l’union compose la substance universelle, d’un mouvement universel qui est répandu dans le monde entier, l’influence d’Avicébron se laisse aisément reconnaître.


E. Les quiddités.


Est-ce à l’influence d’Avicébron que Raymond doit les considérations sur les « quiddités des formes » qu’il développe en tous ses traités sur l’Ars generalis, mais qui prennent, en sa Kabbala, un aspect si étrange[2] ?

1. Peut-être faut-il voir là une allusion au système astronomique cTAl Bitrogi.

2, Raymundi Lüllii XaWa/rc/Tractatus IIIUS et ultirnus. Cap. I : Dequiddïtalibus formarum ; éd. cit., pp 80-87*— Au xvuie siècle, le P. Antonio Pascual (a) trouvait que le De aifrf/Zü cabbalislico contient trop de phrases iuasi-

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