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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

formes substantielles que proviennent et procèdent les formes accidentelles, qui trouvent en moi et dans les formes substantielles ce qui les soutient et les fait durer. Partant, je suis la forme absolue.

» Je suis substance en puissance, c’est-à-dire que je constitue avec la matière une substance unique

» En tant que je suis action absolue, je suis dépouillée de toute matière ; sans quoi je ne serais pas action absolue ; mais je m’étends et me diffuse en mes formes particulières, et celles-ci se trouvent subdivisées suivant les différents individus, et cela par les diverses matièr es particulières ; elles sont actives, en effet, de telle manière qu’elles existent et agissent les unes d’une façon et les autres d’une autre…

» Je suis tout entière dans la matière en la mettant en acte, et la matière, en subissant mon action, est tout entière en moi ; nos accidents sont connexes les uns des autres, sinon, nous ne serions pas une substance unique, étendue et continue, ce qui est impossible.

» Je suis en la matière première et en toutes les matières particulières, que je mets en acte au moyen de mes formes particulières ; c’est ainsi que naît de moi l’action substantielle et la véritable action qui confère les prédicaments ; c’est par ces actions que je suis en la matière première et en toutes les matières particulières ; de la matière première, provient la passivité apte à recevoir les prédicaments ; de nous deux, est issu le mouvement général où le rôle actif est joué par ma nature et le rôle passif par la nature de la matière. C’est par ce mouvement que les substances qui existent en puissance avec leurs accidents sont engendrées à une existence actuelle et nouvelle…..

» La matière et moi, nous constituons une analogie. C’est moi, cependant, qui tiens le premier rôle, et la matière qui vient ensuite. En effet, dans le mouvement, c’est à moi qu’il appartient de commencer, eu raison de mon caractère actif, et à la matière de suivre, en raison de son caractère passif. C’est moi qui suis sa fin, car je suis pour moi-même, tandis qu’elle n’existe pas pour elles-même, mais en vue de moi. Avant que je ne défaille, c’est elle qui fait défaut dans les êtres particuliers, car elle n’a pas capacité de recevoir la totalité de mon action. Elle est bornée vers le bas, non vers le haut, car elle est, par nature, passivité absolue.

» Je suis l’image do Dieu, et elle en est la dissemblance, car Dieu est forme et non matière

» Je suis être parfait, et c’est pourquoi la matière me trouve