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LES DEUX VÉRITÉS. RAYMOND LULL ET JEAN DE JANDUN

brée ; ces erreurs me suffoquent à tel point que je n’ai presque plus ni souffle ni vigueur. À cela, je ne vois qu’un remède : c’est que le Seigneur, par l’intermédiaire du Roi de France, me vienne en aide, et cela à brève échéance, car les erreurs grandissent et les vérités sont étouffées. De ces erreurs, d’ailleurs, le fondement est à Paris, car la renommée dit partout que j’y réside plus qu’en toute autre ville ».

À ce moment, Raymond Lull sortait de Paris, en compagnie de la Contrition et de la Satisfaction, devisant avec ces deux dames de l’état pervers où le monde se trouvait alors. Les lamentations de la Philosophie frappent leurs oreilles ; ils lui en demandent les causes ; la Philosophie supplie Raymond et ses deux compagnes de se rendre auprès du Roi de France et de lui demander, pour elle, protection et remède. Mais auparavant, Raymond, Dame Contrition et Dame Satisfaction veulent entendre chacun des douze principes exposer l’état en lequel il se trouve.

Après avoir cuï la confession des douze principes, Raymond donne ce conseil à la Philosophie ; « Obtiens du sérénissime Roi de France, et, avec lui, des maîtres et bacheliers en Sainte-Ecriture, qu’ils tiennent virilement et dévotement la main à éviter toute contradiction entre la Théologie et toi, contradiction qui ne doit, pas exister, puisque tu n’es que la servante et qu’elle est la maîtresse ; entre vous, il doit y avoir concordance pure et parfaite ; impose le même principe aux Artistes ». Puis Raymond, Dame Contrition et Dame Satisfaction se rendent auprès du Roi de France pour lui conter ce qu’ils avaient vu et entendu ; ce qu’ayant ouï, le Roi en fut touché ; désireux d’accomplir le grand bien qu’on lui demandait, il. donna bon espoir aux deux dames et à Raymond.


D. La forme, la matière et le mouvement universels.


Des douze principes, le premier qui prenne la parole, c’est la forme. « Je suis un être, dit-elle[1], car c’est moi qui donne à toute chose sou existence ; je suis absolue et primitive, car, avec la matière première, je constitue la substance unique et générale de tout l’Univers,….

» Bien que j existe en acte, je suis un être en puissance de toutes les formes particulières ; c’est de mon essence que sortent et agissent toutes les formes substantielles ; c’est de moi et de ces

1. îUnitm » ! Lullu Op.laad., Cap. I, De forma ; édit, cit., pp. 114-117.

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