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LES DEUX VÉRITÉS. RAYMOND LULL ET JEAN DE JANDUN

la célèbre science kabbalistique des rabbins, cet opuscule n’a, d’ailleurs, emprunté que son titre ; il est entièrement consacré au système de Logique imaginé par Lull.

En donnant la qualification d’ultima à son Ars generalis et magna, Raymond pensait, sans doute, qu’il avait mis la dernière main à son chef-d’œuvre logique ; à peine ce grand œuvre achevé, cependant, il éprouva le besoin, pour en faciliter l’étude, d’en composer un abrégé. L’Ars brevis[1], introduction à l’Aro magna, fut achevé[2] « à Pise, dans le couvent de Saint Dominique, au mois de janvier MCCCVII (1308) ».

Les divers traités dont nous venons de parler ont tous pour but de développer les règles et les procédés de la Science générale que Lull rêvaitde constituer, et dont il définissait lui-même l’objet en ces termes[3] :

« L’intelligence humaine a établi son siège en la simple opinion bien plus qu’en la Science, et voici pourquoi : Chaque science a ses principes propres qui diffèrent des principes des autres sciences ; aussi l’intelligence désire-t-elle et réclame-t-elle la constitution d’une science qui soit générale à l’égard de toutes les autres sciences, d’une science dotée de principes généraux en lesquels les principes des autres sciences particulières soient impliqués et contenus comme le particulier l’est en l’universel. De ce désir, la raison est la suivante : L’intelligence souhaite que les principes divers soient hiérarchisés entre eux, classés et, en outre, réduits en règles, afin que la compréhension de la vérité lui donne, en toutes les sciences, un repos assuré, et qu’elle se trouve tenue à distance des opinions erronées.

» A l’aide de cette science, les autres sciences peuvent s’acquérir très facilement ; en effet, dans les principes généraux de cet art, les principes particuliers apparaissent et brillent, car les principes particuliers s’appliquent aux principes de cet art comme la partie s’applique au tout. »

L’étude de cette panacée universelle, capable de sauvegarder l’esprit de toute erreur et de le conduire à la découverte de la vérité, n’importe aucunement à notre objet ; les divers traités consacrés à ce chimérique projet nous intéresseraient donc fort peu si, de-ci, de-là, afin de faire jouer les artifices de sa méthode,

1. Ars brevis M. Raymundi Lullü, Compœndiam et Isagoge Artis magnœ*t éd. cit., pp. 1-42.

2. Raymundi Lullu Op. lautL, De tine hujus libri ; éd. cit , p. 4».

3. Ratmundi Lullii Ars magna^ proæmium ; éd. cit., p. 118,

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