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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

Ils n’étaient donc point rares, parmi les Franciscains, les esprits originaux, ardents, primesautiers, coupés de toute tradition, rebelles à la méthode sévère et aux formes rigides de la Scolastique, prêts à se laucer à la conquête de la vérité en paladins isolés, bien loin des rangs disciplinés de l’armée régulière.

I

Raymond Lull

C’est parmi ces chevaliers errants de la Philosophie et de la Théologie du Moyen-Age qu’il faudrait peut-être placer Saint Bonaventure ; c’est assurément parmi eux, parmi les plus audacieux et les plus batailleurs, que s’enrôlèrent successivement Roger Bacon et Raymond Lull. Entre le franciscain anglais passionné et l’enthousiaste tertiaire de 111e Majorque, les traits de ressemblance ne manquent pas, et on les a maintes fois signalés.

Convertir les Sarrazius et réfuter les Averroïstes, tels furent les deux objets que Raymond Lull proposa sans cesse à son inlassable activité. C’est en vue du second objet, c’est pour combattre l’hérésie Averroïste, que nous l’avons vu[1], en 1298, commenter, articles par articles, les deux cent dix-neuf condamnations qu’Étienne Tempier avait lancées en 1277.

A. La méthode a priori en Métaphysique et en Théologie.

Ce que Raymond Lull pensait, à cette époque, du conflit entre la Théologie et la Philosophie, nous le pourrons connaître avec assurance en lisant un opuscule intitulé A rticuli fidei qu’il acheva à Rome, en la vigile de la fête de Saint Jean Baptiste de l’an 1296[2].

1. À plusieurs reprises, le nom de Raymond Lull a été prononcé, et certains de ses écrits étudiés dans les précédents chapitres de notre ouvrage ; on ne cherchera donc pas ici une étude complète sur ce personnage et ses doctrines,

2. Articuli fidei sacrosanctæ ac salutiferæ Legis Christianæ cum eorundem perpulchra introductione : quos illuminatus Doctor Magister Raymundus Lullius rationibus necessariis démonstrative probal. Exhortatio, (Raymundi Lullii Opéra ea quæ ad inventa m ab ipso arle/n universal cm Scient iaram A rtt unique Omnium Dre in compendioJrrmaque memoria apprehendendarum, locuplelissimaque oel oraüone e.j ? tempore perlrac/andarum, pertinent .. Edit in postrema. Argentorati, Surnptibus Hæredum Lazard Zetzneri, MDCLL p* 967)’ Les Ar/ica/j /Zdet avaient été, en 1296, écrits en espagnol. En I an i3oo, à Majorque, Lull les traduis) 1 en latin (Waddingi Scr//jZore$ Ordinis Afinorum, ed. ûovissima, Rom®, HCMVI ; p. 199k

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