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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

camentale est abstraite à la fois de toute existence réelle et de toute existence dans l’esprit.

» II y a des quiddités qui peuvent être amenées à l’une et à l’autre de ces deux sortes d’existence ; telles sont la ligne et la surface. D’autres, dit-on, ne sont jamais susceptibles d’être amenées à l’existence réelle ; elles sont seulement capables d’être amenées à l’existence dans l’esprit ; bien que ce soient de véritables quiddités, qu’elles aient, de toute éternité, une véritable existence essentielle (esse quidditativum), elles ne peuvent être amenées, cependant, à exister hors de l’esprit. À cela, il n’y a qu’une raison ; c’est comme cela (quod hoc est hoc). Le nombre est une quiddité de cette sorte, une quiddité qui est une quiddité véritable, ayant de toute éternité l’existence essentielle ; quiddité incapable cependant d’être amenée, par la force de quoique agent que ce soit, à l’existence réelle ; susceptible seulement d’être amenée à une existence diminuée, à l’existence dans l’esprit. »

Bonet se borne, d’ailleurs, à poser cette doctrine, sans nous donner les raisons qui la lui font préférer aux quatre autres, et même sans déclarer, sinon par le rang qu’il lui attribue, la préférence qu’il lui accorde.

Mais revenons à la théorie générale des universaux.

Ce qui vient d’être dit justifie la conclusion que voici :

« Il y a donc certains universaux qui sont aptes indifféremment à recevoir l’existence réelle hors de l’intelligence et l’existence diminuée à l’intérieur de l’intelligence. D’autres universaux, au contraire, peuvent être amenés à l’existence diminuée dans l’intelligence, mais il leur répugne d’une manière contradictoire d’être amenés à l’existence réelle hors de l’intelligence.

» Concluons, par conséquent, qu’il va des universaux qui existent réellement hors de l’esprit, puisqu’il y a des quiddités qui peuvent être amenées à l’existence réelle ; cela est vrai de certaines quiddités, mais non de toutes, comme on l’a dit plus haut. »

Tout universel existe nécessairement et éternellement de l’existence essentielle, « Mais, me demanderez-vous, un universel existe-t-il nécessairement soit en l’intelligence, soit en la réalité extérieure ? Je vous répondrai ; Non. C’est d’une manière contingente qu’il existe dans la réalité extérieure aussi bien que dans l’intelligence. Bien plus ! Il est abstrait de l’une de ccs existences comme de l’autre. Aussi, lors même qu’il n’existerait, par hypo-

1. Nicolai Boneti Metaphysica, lib. VIII, cap. I ; ms. no 6678, fol. 98, vo ; ms. no 16132, fol. 173, col. c.