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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

ger. Au contraire, dans l’intelligence, objectivement[1], la pure essence du cheval subsiste fort bien, car seule et séparée de toute autre chose, elle peut acquérir l’existence conceptuelle. »

Venons enfin au troisième mode d’existence des universaux, à l’existence réelle hors de l’esprit.

« Aristote a dit[2], en premier lieu, que les universaux existaient réellement hors de l’esprit ; en second lieu, qu’ils existaient dans les choses singulières…

» Non seulement cette affirmation d’Aristote au sujet de l’existence des universaux hors de l’esprit est possible et véritable, mais, qui plus est, elle est nécessaire.

» En effet, toute quiddité univoque existe ex natura rei dans les diverses choses dont elle peut être également affirmée (in suis univocatis) ; si ces choses-là (univocala) existent réellement hors de l’esprit, cette quiddité univoque, elle aussi, existe réellement hors de l’esprit. Or, une quiddité univoque qui peut être attribuée (prædicabilis) à plusieurs choses est un universel. Il y a donc des universaux qui existent hors de l’esprit. »

Qu’une telle quiddité univoque soit bien un universel, Bonet le justifie d’ailleurs par la remarque suivante : « J’appelle universel ce qui est le même en beaucoup de choses (unum in multis) et ce qui peut être affirmé de même de beaucoup de choses (unum de multis). Or une quiddité que l’on appelle universelle réside, une et indivise, en beaucoup de choses, et cette même quiddité est affirmée de beaucoup de choses. »

Nous avons acquis ces deux certitudes :

Tous les universaux peuvent, à l’intérieur de l’intelligence, acquérir l’existence conceptuelle.

Il y a des universaux qui, dans la réalité extérieure à l’esprit, existent d’existence actuelle ait sein des choses singulières.

« Mais, me demanderez-vous, est-ce que tout universel existe réellement hors de l’esprit, ou bien y a-t-il des universaux qui existent exclusivement dans l’esprit tandis que d’autres existeraient aussi hors de l’esprit ? Je vous répondrai : Tout universel n’existe pas hors de l’esprit. Ainsi en est-il de tout universel attrihué à de purs rapports de raison et de tout universel relatif aux êtres diminués (esse diminuta). »

Ces êtres diminués, ces choses qui ne peuvent avoir qu’une existence diminuée (esse diminutum) ne peuvent, hors l’existence

1. Haas Je sens où nous dirions : subjectivement.

2. Nicolai Boneti Op. lib, VDI, cap. I ; rns, rv> 6678, fol. gtJ, r° et vü ; ms. no i6[3at fol, yî, colL bel çl

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