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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

existences, c’est l’existence actuelle en la réalité extérieure à notre âme. L’autre, c’est l’existence conceptuelle, à lintérieur de notre esprit. A la quiddité, chacune de ces deux existences advient à la façon d’un accident. L’existence actuelle lui advient par l’action de la cause créatrice qui la fait être réellement ; elle est un certain rapport à cette cause créatrice. L’existence conceptuelle lui advient par l’action de l’intelligence qui la conçoit, qui la dit ; elle est un certain rapport à l’égard de cette intelligence.

L’existence conceptuelle, l’esse cognitum est une existence diminuée ; ce qui existe de cette existence-là seulement demeure dans le néant. Ces propositions, sur lesquelles Bonet aime à revenir, ne sont cependant vraies, à son gré, que de l’existence conceptuelle en l’intelligence imparfaite de l’homme ; elles peuvent ne plus l’être si l’on parle de l’esse cognituin au sein de la première Intelligence, de l’intelligence du premier Moteur ; c’est par cette distinction que notre auteur parviendra à concevoir la génération du Verbe à l’intérieur de l’essence divine.

« Il y a nécessairement, dit-il[1], dans le premier Moteur, génération naturelle et interne.

» Supposons tout d’abord, en elfet, que tout objet qui se trouve connu d’une manière actuelle est nécessairement amené à une certaine existence (esse) que nous appelons l’existence énoncée ou connue (esse dictum seu cognitum). Cela, nous l’avons assez clairement expliqué dans notre Traité des prédicaments, au chapitre consacré à l’action immanente et à la passion qui lui correspond.

» Cela admis, démontrons notre proposition, et de la manière suivante :

» Toute intelligence, lorsqu’on elle l’opération intellectuelle est en pleine activité (intellectus existens in acie intelligentiæ), produit nécessairement un verbe qui est ou bien un verbe subsistant en lui-même, ou bien un verbe diminué et inhérent à l’àme. Or, en l’intelligence du premier Moteur, l’opération intellectuelle est nécessairement en pleine activité. Elle produit donc nécessairement un Verbe qui n’est pas un verbe diminué, qui est un verbe dont toute imperfection est écartée, qui est au-dessus de toute imperfection, qui est donc un verbe subsistant en lui-même…

» Si cette proposition est universelle et nécessaire : Toute intelligence produit naturellement et nécessairement l’objet qu’elle

1. Nicolai Boneti 77teo/ogta iib. IV, cap. IX ; ms, n° i6î32, fol, 2&Ü, col. c, et fol. 267, col. a.

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