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L’ESSENTIALISME

réelle. Par exemple, la quiddité de la chaleur, qui ne réside nulle part, est amenée, au sein de l’eau et par l’action du feu, à l’état de chaleur qui existe d’une manière actuelle (ad existentiam actualem caloris) ; à cette quiddité de la chaleur, il n’advient absolument rien, si ce n’est l’existence, par laquelle elle se met à exister d’une manière formelle, tandis qu auparavant, privée de cette existence, elle n’existait pas.

» Évidemment nous devons, touchant l’objet [de la connaissance] répéter des considérations semblables à celles-là. Cet objet, en effet, c’est une certaine quiddité qui existe quelque pari ou qui n’existe nulle part. Par cette action de l’intelligence que l’on nomme énoncer (dicere), cette quiddité est amenée à l’existence dans l’âme, c’est-à-dire à l’énonciation (dici) ou conception passive ; par là, cette quiddité se met à exister d’une manière formelle au sein de l’âme ; auparavant, au contraire, comme elle était privée de cette existence-là, elle n’existait pas dans l’âme. »

« Après avoir vu[1] ce que c’était que ! existence conceptuelle et comment elle était possible, il nous faut enquérir de sa nécessité. Il y a, en effet, tels philosophes modernes pour affirmer ceci : Il n’y est aucunement nécessaire d’admettre que l’existence conceptuelle soit autre chose que la qualité exprimée par le mot : conçu. » C’était bien là, eu effet, l’opinion que professaient la plupart des contemporains de Nicolas Bonet.

Celui-ci repousse absolument la négation formulée par ces auteurs. « Proposons donc, dit-il[2], la proposition affirmative : Outre cette qualité que désigne le mot : conçu, il est nécessaire de mettre, en notre âme et en notre esprit, une certaine entité diminuée ; cette entité diminuée, c’est l’existence à l’état d’objet connu (esse objecti cognitif). La nécessité d’admettre une telle entité diminuée se prouve de la manière suivante… »

La preuve que Bonet prétend donner se réduit, en vérité, à une simple affirmation[3].

Résumons la doctrine de notre auteur.

Éternellement, toute quiddité est de la façon qui lui est propre, de l’être essentiel. Éternellement elle est, par elle-même, indifférente à exister ou à ne pas exister ; mais cette indifférence se doit entendre à l’égard de deux sortes d existences. L’une de ces

1. Nicolai Boneti Op. laud., libell. cit., cap. VHI ; ms. no i6i3a, fol. 176. col. b.

2. Nicolai Boneti Op, laud, , libelL cît., cap, IX ; ms, o<> i6ï3a, foL 176, colL c et d- 1

3. Cf. ; Nicolai Boneti rAeoZoyûz na/uralis, lib. IIIt cap. IX ; ms. o° 16182, fol, 220, col, c.

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